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relevèrent la tête qu’au moment où le couple eut descendu la première marche de l’escalier. Alors elles le suivirent, précédées des porteurs de lanternes et suivies elles-mêmes des domestiques et des servantes. Le long cortège se déroula dans l’ombre de l’avenue et dans la lumière des étalages où, devant leurs beaux écrans d’or, déjà clairsemées sur les talamis et frissonnant de la fraîcheur du soir, les humbles courtisanes enviaient au fond du cœur l’illustre Imamurasaki.

On atteignit ainsi la demeure de l’oïran et tout le monde pénétra dans sa vaste chambre. Mais on y fit moins de bruit qu’à la maison de thé. Ce ne furent que chansons élégantes et discrètes qui s’éteignirent dès que la dame eut mandé sa chambrière. Celle-ci parut bientôt, portant dans ses bras et traînant derrière ; elle le lourd matelas et les riches couvertures. Domestiques et geishas s’éclipsèrent. On entendit un instant le long des cloisons en papier et sur le plancher frémissant du corridor le frôlement rapide des étoiles de soie…

Et durant sept mois, toutes les nuits, qu’il plût, qu’il ventât, fut-il même tombé des sabres, Naô Saburô près d’Imamurasaki revint acheter le printemps au quartier des Fleurs.


II

Or, le 18 septembre au soir, Naô attendit si longtemps sa maîtresse, qu’il s’endormit. Déjà la nuit pâlissait au ciel, quand Imamurasaki entra brusquement. Mais elle vit que le samuraï dormait, et, s’agenouillant près de la couche déroulée sur les nattes, les regards attachés à ce visage de jouvenceau que baignait la lumière lactée d’une haute lanterne blanche, elle en considéra la grâce encore timide et l’indécise fierté. Puis ses yeux rencontrèrent, au chevet du lit, les deux sabres du jeune homme dont les fourreaux laqués luisaient d’un sombre éclat, et doucement, dans le silence de la nuit, elle les heurta l’un contre l’autre. Naô tressaillit et s’éveilla, mais toute sa figure, que le tintement des armes avait assombrie, s’éclaira sous les deux yeux qui observaient son réveil.

— Je vous attendais, fit-il en souriant, et je n’ai pu m’endormir.

C’est une politesse ; que les familiers des oïrans ont coutume de leur adresser, tandis que les nouveaux venus, qui tranchent