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veille d’une spoliation nouvelle. Une proie mal défendue est toujours tentante pour un État bien armé, et l’exemple de la guerre du Transvaal suffit à montrer que l’Angleterre, — pour me parler que d’elle, — ne craint, quand elle le croit de son intérêt, ni de troubler la paix, ni de violer les droits les plus sacrés. Il est donc permis de se demander si les débris qui restent au Portugal de son antique empire d’outre-mer ne risquent pas d’être, un jour ou l’autre, liquidés.

Or, la disparition des colonies portugaises modifierait gravement l’équilibre des forces en Afrique et dans le monde ; l’événement intéresse donc gravement les puissances africaines. L’une de ces possessions surtout, celle du Mozambique, occupe, dans l’Afrique australe, une place importante. Par sa frontière du sud et son excellent port de Lourenço-Marquès, elle touche au Transvaal et au Souaziland britannique, elle a été mêlée à tous les événemens de la guerre actuelle. Par sa frontière du nord, elle comme à la meilleure des colonies allemandes, celle de l’Est africain. Elle s’interpose en une longue bande côtière entre les possessions anglaises de la Zambézie et du Nyassaland et d’Océan Indien : elle est le débouché indispensable, la porte nécessaire de toutes ces régions où l’or attire les émigrans et les aventuriers, et où règne M. Cecil Rhodes. Enfin, ses rivages font face, le long du canal de Mozambique, à ceux de Madagascar, et déjà un courant commercial, qui ne peut que grandir, tend à s’établir entre ses ports, Beïra et Lourenço-Marquès, et les nôtres ; les bœufs de la grande de, ses produits agricoles, trouveront un marché dans les villes du continent. Il ne saurait nous être indifférent que ce soit le Portugal ou l’Angleterre qui règne sur cette longue côte et ces magnifiques baies, d’où une escadre et une armée peuvent menacer notre colonie.

Toute l’Afrique du Sud est en travail d’une organisation nouvelle. De profondes transformations, provoquées ou hâtées par la guerre actuelle, ne sauraient tarder à s’y accomplir. Un avenir très brillant s’élabore sur ces rivages et sur ces plateaux, inconnus il y a moins d’un siècle, parcourus aujourd’hui par des chemins de fer et semés de villes naissantes. La colonie portugaise du Mozambique est un des élémens qui constituent cette nouvelle personnalité politique, l’Afrique du Sud, hier encore dans l’obscurité de l’enfance, et vers qui maintenant se tourne l’attention anxieuse de tous les peuples ; c’est à ce