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coutume. Ce qui était nouveau et restera inexcusable pour ces politiques, c’était de nier leur dessein, de commencer par le mensonge l’enseignement, œuvre de sincérité, d’avouer par cette dissimulation qu’ils agissaient contre la volonté générale, et, mandataires du peuple, de l’avoir trompé.

Nulle part tout cela n’apparut mieux que dans les mesures prises pour assurer à la femme le savoir. Au XVIIIe siècle, les réformateurs du genre humain avaient laissé hors de leurs plans la moitié de l’espèce humaine. La femme avait dû à cet oubli d’échapper aux révolutions de l’enseignement. Après comme avant 1789, elle était élevée par les mêmes mains ; à l’exemple de Napoléon, tous les gouvernemens l’avait laissée à l’Eglise, qui, par la volonté de l’Etat et des communes, instruisait la plus grande partie des jeunes filles dans les écoles primaires, et, par le choix des familles, à peu près toutes les jeunes filles dont l’éducation était poussée plus loin. Et ceux mêmes qui voulaient enlever l’homme aux influences religieuses n’avaient pas essayé de leur soustraire la femme.

C’est cette inconséquence que les derniers réformateurs estimaient funeste et ont voulu supprimer. Héritiers de la Révolution française, mais instruits par l’expérience, ils considéraient que la Révolution avait été vaincue par les femmes, faute de les avoir conquises. Elle avait, en dix ans, détaché la population mâle de toute habitude religieuse à ce point que, malgré l’incomparable prestige de Bonaparte, quand il signa le Concordat, la nouvelle émut, parmi ses compagnons d’armes, la seule protestation qui se soit élevée contre ses actes jusqu’à sa chute. Où Bonaparte trouva-t-il l’appui dont il avait besoin contre ses admirateurs ordinaires et ses propres généraux ? Dans la femme. Tandis que la Révolution travaillait à changer l’homme, la femme était restée la même. C’est elle qui avait soutenu le clergé réfractaire, conduit la résistance contre toutes les institutions destinées à remplacer l’ancien culte. Bonaparte avait eu vraiment un regard de génie quand, à la veille d’accomplir l’acte le plus dangereux en apparence pour lui, il avait discerné que cet acte lui donnerait la gratitude et l’appui durable des femmes.

Pour ne pas laisser cette alliée aux retours offensifs du catholicisme, les réformateurs contemporains avaient résolu de donner à, la femme la même éducation qu’à l’homme. Sûrs qu’ils n’obtiendraient d’abord rien d’elle sinon par contrainte, ils