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parader à la cour du Roi Très Chrétien, et recevoir de Louis XIV un accueil chaleureux. Il y fait son entrée dans le plus galant appareil : « Il marche en un équipage fort militaire, écrit l’historiographe officiel du Grand Roi[1], et a une garde d’Heiduques fort beaux à voir, tous vêtus couleur de nuise, avec de grands boutons d’argent, massif, clés sabres courts et larges, et des écharpes rouges. » Festin somptueux, Te Deum solennel, rien n’est épargné par le Roi pour faire honneur à son allié. Toutefois ces pompes et ces délices ne sauraient retenir longtemps un si bouillant guerrier : « Il s’en est retourné le même jour à son armée, disant qu’il ne pouvait être davantage absent, à cause qu’il fait lui seul le détail de toutes choses[2]. »

Cet édifiant accord ne saurait être qu’éphémère. Ceux qui voient de plus près les exploits de Galen sont vite écœurés du spectacle ; le duc de Luxembourg, dès les premières semaines, se dégoûte de servir avec un pareil auxiliaire, et se plaint vivement à Louvois. « Je ne suis point surpris de ce que vous me dites de M. de Munster, ayant vu par ma propre expérience quel homme c’est ! lui répond le ministre d’un ton dépourvu d’illusion. : — Si vous continuez, poursuit-il, à être aussi deux que vous l’avez été jusqu’à présent, vous en essuierez bien d’autres, ce qui fait que je vous conseille de ne plus lui en laisser passer aucune[3]. »

» Le comte de Chantilly dénonce, de son côté, les exactions éhontées de l’évêque, le pillage auquel il se livre. La ville de Zwolle, dit-il, est « épuisée, ruinée de fond en comble, » ainsi que les régions voisines ; les habitans« font des vœux continuels pour tomber entre les mains de Sa Majesté, et se voir délivrés des Munstériens[4]. » Et la « méchante humeur de M. de Munster » prend bientôt de telles proportions, que Louvois mande à Luxembourg qu’il l’autorise, si les choses continuent, à s’en aller avec le contingent français, et à « laisser l’évêque tout seul exécuter les visions dont il a la tête remplie. » Le général du Roi ne se le fit pas dire deux fois. Dès le premier prétexte, — En désaccord au sujet de L’attaque de Zufphen, — il demande son rappel[5], prend congé de l’évêque, et rejoint les armées

  1. Lettres de Pellisson.
  2. Ibid.
  3. Lettres des 18 et 20 juin 1672. Arch. de la Guerre.
  4. 10 Juillet. Arch. de la Guerre.
  5. Mémoires de Saint-Germain, cités par Désormeaux. Loc. cit.