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l’électorat de Cologne, où il assignait rendez-vous aux deux principaux auxiliaires sur lesquels il comptait pour seconder l’action militaire de la France. L’un était l’évêque de Munster ; l’autre l’archevêque de Cologne, qu’assistait l’évêque de Strasbourg : ces deux derniers personnages sont, pendant la période qui suit, si étroitement unis à la fortune de Galen, que je ne puis me dispenser de les présenter au lecteur.

Maximilien-Henry de Bavière, archevêque-électeur de Cologne depuis bientôt vingt ans, était un prince faible, indolent, d’intelligence médiocre. « Il ne s’occupait que de chimie, » écrit le marquis de Pomponne, et se croyait un grand savant. Enfermé tout le jour avec ses cornues et ses drogues, il négligeait la politique, et se reposait de ce soin sur l’évêque de Strasbourg, Egon de Fürstenberg, son ministre et son suffragant, qui « le dominait entièrement » et gouvernait l’électorat. Assez piètre figure encore que celle de ce prélat, au témoignage de ceux qui l’ont approché de plus près. « Tout ce que vous pouvez imaginer de plus ignorant, confie Louvois à Le Tellier[1], ne l’est pas tant que M. de Strasbourg. Si vous ajoutez à cela une irrésolution continuelle et une avarice sordide, je suis assuré que vous plaindrez ceux qui ont à traiter avec lui[2] ! » Même note, un mois plus tard, dans les lettres de Luxembourg : « A chaque dépense nouvelle, écrit-il de sa plume caustique[3], M. de Strasbourg fait des prières pour la paix, aussi bien qu’après avoir bu, des vœux pour la guerre. » De longue date acquis à la France et subventionné par le roi, Egon de Fürstenberg avait, ces derniers temps, entraîné l’électeur dans la coalition nouée contre les Provinces-Unies[4]. Tel était le trio de prélats que Louvois mandait à Cologne, et qu’il s’agissait d’engager dans une action commune avec les armes du Grand Roi.

Le terrain étant, comme on sait, soigneusement déblayé d’avance, Louvois, en homme expéditif, espérait terminer cette affaire en deux jours. Mais il fallut compter avec la lenteur

  1. Lettre du 4 janvier 1672. — Arch. de la Guerre.
  2. « M. de Strasbourg, écrit un peu plus tard le duc de Duras à Louvois, m’écrit tous les jours des choses fort inutiles : je ne puis lui refuser des réponses pleines de galimatias… » (Lettre du 29 septembre 1672. — Arch. de la Guerre.)
  3. Lettre de Luxembourg à Louvois, du 31 janvier 1672. — Arch. de la Guerre.
  4. Il y faut ajouter l’influence du frère de l’évêque de Strasbourg, le prince Guillaume de Fürstenberg, d’esprit plus ouvert et de caractère plus estimable, très français de cœur et de goûts.