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C’est parmi les rochers affreux, dans les solitudes glacées, au point où la vie se distingue à peine de la mort, qu’ils ont arraché à la mort une nouvelle source de vie. Ce n’est pas l’agrément du climat qui les a aidés ; ici ; c’est sa rigueur. Ce n’est pas la « douce France » qui s’est laissé vivre, comme un le lui reproche à satiété ; c’est la France l’or le qui a livré la bataille et emporté le succès. Ce vaillant Dauphiné a créé une industrie nouvelle, autochtone, indépendante, qui n’a rien demandé, jusqu’ici, qu’à l’activité de la province, à ses ressources propres et à son génie.

Reconnaître ce qu’ont fait, en cette matière, le Dauphiné et la Savoie, ce n’est nullement diminuer ce qui appartient aux pays voisins, et notamment à l’industrieuse Suisse. L’Italie, l’Allemagne, l’Autriche sont, entrées dans les mêmes voies. Partout, on capte et on utilise les hautes chutes. A Genève, depuis 1885, fonctionnait la magnifique machine hydraulique, qui, disposant de la chute admirable (non pas haute, mais basse) du lac, distribuait la forces motrice dans la ville tout entière et actionnait, à la fois, la grande usine et le modeste atelier de l’ouvrier. Celle distribution de force se faisait, d’ailleurs, directement et sans transformation électrique. Mais Genève ne s’en est pas tenue là. La ville vient d’installer, dans un faubourg, une seconde usine qui utilise la chute du Rhône et qui traite le lac comme un immense réservoir dont l’approvisionnement permet de créer des industries alimentées par une force ; telle que les plus difficiles problèmes industriels pourront être aisément abordés. A la tête du service des eaux, est placé un ingénieur qui est un puissant esprit et un véritables créateur, M. Turrettini. Tout ce qu’il touche, il le marque de son empreinte, et c’est lui qui a fourni les avant-projets de l’utilisation des chutes du Niagara, que l’on nous donne, maintenant, comme une invention américaine et qui n’est ni plus ni moins que la conception dauphinoise et suisse de l’utilisation des hautes chutes.

L’industrie nouvelle quitte la montagne. D’ores et déjà, elle descend dans la plaine. La rivière rapide l’emporte sur ses flots. Lyon est la première grande ville française qui ait, à son tour, utilisé les chutes. Lyon a 500 000 habitans. Son industrie emploie 60 000 chevaux-vapeur. Quelle révolution si cette force lui était fournie par le cours violent du Rhône qui la traverse ou par la ceinture de montagnes qui l’environne ! La grande usine