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vraiment « de l’histoire ? » l’éditeur serait-il bien coupable qui les aurait, oh ! non pas supprimées, mais seulement gardées pour lui ? et, d’avoir préféré la pudeur, à la « vérité » de ces médecines et de ces lavemens, lui en voudriez-vous beaucoup ? Moi, je lui pardonnerais, si même je ne l’en félicitais. Et, en tout cas, déjà choqué de voir prendre à ces détails de garde-robe ou d’alcôve la consistance de la lettre moulée, il me semble que l’inconvenance en augmente avec la grandeur du format et le calibre du caractère. Mais, enfin, et pour des raisons que je ne connais pas, puisque M. Perroud n’a voulu nous donner des Lettres de Madame Roland que celles qui datent d’après son mariage, prenons-les comme il nous les donne. Entrons nous-même un peu dans l’esprit de sa publication, et tâchons d’indiquer brièvement ce que nous avons trouvé dans ce premier volume de vraiment intéressant et de neuf.

« Le mariage, a dit un moraliste, met tout le monde dans son ordre ; » et, de ce point de vue, ce que ces Lettres ont de plus remarquable, c’est leur insignifiance. A peine y trouve-t-on quelques nouvelles littéraires à glaner, sur le Mahomet de Voltaire, par exemple, à l’occasion d’une représentation qu’en donne au théâtre d’Amiens l’acteur Noury, dit Grammont, le même qui devait quelques années plus tard devenir adjudant-général de l’armée républicaine en Vendée. « J’arrive de la Comédie, où, suivant mon usage, j’ai pleuré comme une petite fille qui va au spectacle pour la première fois de sa vie. C’est quelque chose que de n’avoir pas fait pis, car la lecture de Mahomet m’a jadis donné la fièvre. » La fièvre, Mahomet ! Après tout, n’était-ce pas le Rhadamiste de Crébillon qui faisait « entrer dans les transports des bacchantes » le président de Montesquieu ? Nous, c’est l’Aiglon, qui nous produit aujourd’hui cet effet. Mme Roland est plus sévère pour le Coriolan de La Harpe. Elle l’avait vu pendant un séjour qu’elle fit à Paris, au printemps de 1784, et, tandis qu’elle y était, nous ne saurions trop regretter qu’elle n’ait pas pu voir, faute déplace, le Mariage de Figaro. Elle se rabattit sur l’opéra des Danaïdes, dont elle envoie, le 5 mai, un compte rendu à son mari. « La Saint-Huberti lui a plu infiniment pour sa voix, pour son chant, pour son jeu… pour l’usage qu’elle sait faire de ses bras. » Mais Mme de la Platière avait pour le moment de bien autres affaires en tête : elle sollicitait des « lettres de noblesse ; » et, d’une manière générale, pendant ces six années, de 1781 à 1787, nous la voyons occupée de tout autres objets qu’au temps de sa correspondance avec les demoiselles Cannet. La curiosité du lecteur aurait quelque droit de s’en plaindre, s’il n’était