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progrès qui lui permettent d’installer de grandes manufactures avec mi outillage nouveau. Anglais, Allemands, Hollandais, Suisses, Italiens apportent le meilleur de leurs procédés : ce que Holker et Milne, Macarty, Everet et Kay font pour les cotonnades et les laines, d’autres le l’ont pour d’autres branches, pour des branches de plus en plus nombreuses. de l’activité industrielle ; et ces autres ont nom : Turgot, Condorcet, Bernard de Jussieu, Macquer, Duhamel, Vandermonde, les frères Havart, les Lefèvre, Gouïn, Eymar, Slongel[1], etc. Grâce à eux, à eux tous, théoriciens et praticiens, gens de science et gens d’expérience, c’est réellement un outillage nouveau qui se crée, et, en même temps que cet outillage particulier à chaque fabrication, que cet outillage spécial, l’outillage social ou national, — j’entends par là les routes, les canaux, tout le réseau des voies, et tout le matériel des transports, — commence, continue et ne cesse plus de se développer.

Ainsi cette création, lentement opérée, d’un nouvel et double outillage, spécial et social, concordant et coïncidant avec l’appropriation plus utile et plus usuelle comme force motrice de l’une des forces de la nature, l’eau, va solliciter l’industrie, la pousser à grandir progressivement, jusqu’à ce qu’enfin, par la domestication triomphante de la vapeur, elle devienne réellement et pleinement « la grande industrie. » En cela encore, du reste, tout concorde et tout coïncide : il semble que toutes les forces naturelles jouent ensemble, c’est-à-dire toutes à la fois dans le même sens ; et l’histoire des usines à eau est l’histoire des usines à feu, qui, par l’emploi, depuis 1725 ou du moins depuis 1750, de la houille comme combustible[2], n’ont pas été transformées moins profondément. Mais non seulement ces transformations s’appellent et s’entraînent les unes les autres : chacune d’elles, aussi, en appelle et en entraîne d’autres, d’abord dans le même

  1. Germain Martin, ouvr. cité.
  2. Le charbon de terre, déjà en usage vers 1725 pour les fours des verreries devient, à partir de 1750, en France, un aliment important de l’industrie. Sous la Régence, de 1715 à 1723, on avait procédé, un peu de tous rôles, à des recherches de mines. Mais, vers 1750, on exploite encore peu et mal : bien des obstacles s’opposent aux progrès, que ne facilite pas la préférence des industriels qui brûlent de la houille pour les charbons anglais. Pourtant, aussitôt qu’on se sert du charbon de terre pour la cuisson, non seulement l’importance des manufactures de faïence et de porcelaine, mais leur nombre jusque là réduit, augmente. — Voyez Germain Marlin, ouvr. cité, p. 110, 215 et passim : et Cf. Le Play, la Réforme sociale, t. II.