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Les termes laconiques et précis de ce document excluaient toute discussion. L’agression était résolue et l’époque même en était fixée. Le consentement des Cours étant acquis d’avance, il ne s’agissait plus de menaces, mais de faits décisifs et immédiats. Si nous voulions les devancer, il n’y avait pas un instant à perdre. La résolution violente que nous avions dû attendre avant de suivre la voie que nous estimions la meilleure s’accusait désormais en termes clairs et irrévocables. M. de Freycinet prit sur-le-champ son parti, conformément aux directions constantes de notre diplomatie, jusqu’alors atténuées par déférence, conformément aussi à nos déclarations précédentes. Il répondit à la communication anglaise qu’en ce qui concernait le premier point de la note projetée, à savoir les exigences relatives à la réduction de l’armée, sans lui refuser absolument notre adhésion, nous en regrettions la forme impérative et irritante ; que, pour le rappel du ministre de France, il se réservait d’en apprécier la convenance : quant au blocus, il ne pouvait que confirmer notre décision de n’y point prendre part.

Notre ligne de conduite étant ainsi annoncée, nous avions dès lors non seulement le droit, mais le devoir de préparer une solution à notre sens plus équitable et qui attestât tout ensemble la justesse de nos prévisions et l’efficacité des principes que nous persistions à affirmer. Nous y étions d’autant mieux autorisés que notre but ne différait en rien de celui de l’Europe, et que nous n’avions en vue aucune concession qu’elle eût désavouée ; nous prétendions uniquement atteindre l’objectif commun par d’autres procédés et amener la Grèce à la paix, de son plein gré, par l’autorité de la raison et par l’ascendant de notre influence. Notre légitime initiative était ainsi parfaitement appropriée aux divers élémens de la question, puisqu’on cherchant à épargner aux Hellènes une contrainte blessante, en poursuivant l’accomplissement des vœux exprimés par les gouvernemens, nous conservions à notre politique le caractère élevé, libéral et actif qu’elle ne saurait jamais négliger sans déchoir. Il fallait maintenant agir avec rapidité.

Le jour même où M. de Freycinet avait fait connaître à lord Lyons notre sentiment sur la proposition de lord Rosebery (22 avril 1886), il précisa la forme de notre intervention. Un télégramme que je reçus le lendemain m’ordonnait de remettre à M. Delyannis la déclaration suivante :