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accusation dont la preuve n’a jamais été faite, ils avaient des complices : le général Lajolais, le chef de brigade de gendarmerie Saint-Rémond, le major Thugnot, peut-être d’autres encore, — comparses plus ou moins actifs, dont le rôle est assez peu aisé à définir, — et enfin, le plus remuant de tous, le racoleur de la bande, l’aide de camp Badouville dit Coco ou Cupidon, le seul des militaires impliqués ultérieurement dans les poursuites dont on puisse dire avec certitude qu’il a eu dans ces obscures intrigues un rôle criminel. Quand on avait besoin de ranimer dans l’âme de Condé la confiance des premiers jours, bien ébranlée par le retard que met tait Pichegru à tenir ses prétendues promesses, on avait recours à Badouville, lequel envoyait aussitôt une lettre réconfortante.

Bien significatives, ces lettres de Coco, et singulièrement révélatrices de la vaste escroquerie organisée autour de Condé. « Je peux vous assurer que vous êtes aimé. Mais vous ne devez pas ignorer qu’en amour, il faut le temps nécessaire pour opérer une union qui puisse faire espérer le bonheur du ménage. Il me serait trop pénible de vous servir auprès de l’aimable amie, si je n’avais la certitude de son amitié pour vous. Je ne suis désolé que de ne pouvoir encore vous fixer l’époque à laquelle cette aimable personne consentira à l’union tant désirée ; mais, pouvant vous assurer de son amitié et de sa sensibilité pour vous, j’aime à me persuader que vous ne serez plus longtemps à soupirer. » Ceci est du 18 novembre ; le 17 décembre, c’est même chanson : « J’atteste que Mademoiselle Zède (Pichegru), amoureuse au-delà de toute expression du Bourgeois (Condé), ne cherche que son bien réel sans espoir d’intérêt quelconque, quoique bien prouvé. Elle continuera, comme elle l’a toujours dit, de toutes ses forces morales et physiques, à seconder les évènemens que les seules circonstances peuvent amener. Le mariage de Mademoiselle Zède et du Bourgeois ne se fera en règle que par les moyens que le banquier (Pichegru) a expliqués. »

Quel crédit méritent ces assurances puériles, données au nom de Pichegru, les unes, à la veille de la capitulation de Mannheim, quand on le voit absorbé par les soins que nécessite le salut de l’armée qu’il commande, et quand son langage et ses actes témoignent avec tant d’éclat de son désir de vaincre ; les autres, alors qu’il a repris l’offensive et vient de déloger les