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faire filer sur Mayence tout ce qu’il te sera possible de détacher. Il me semble que, restant sur la défensive, tu pourrais prolonger ta droite jusque devant cette place. Salut fraternel. »

En présence de ces témoignages des soins et des sollicitudes de Pichegru, comme dit Gouvion-Saint-Cyr, que devient le grief qu’on lui impute d’avoir voulu livrer Mannheim aux Autrichiens ? Singulier moyen de livrer cette place que celui qui consiste à solliciter des secours pour la défendre. Du reste, c’est l’avis du Comité de Salut public, que Jourdan doit en ces circonstances venir en aide à Pichegru. « Nous avons pensé comme vous qu’il faut que l’armée de Sambre-et-Meuse fournisse des renforts à celle de Rhin-et-Moselle vers la gauche. Nous avons ordonné la marche de 28 000 hommes, dont 20 000 munis de tout ce qui peut leur être nécessaire pour aller à la guerre, et 8 000 destinés à tenir garnison dans Mannheim. Nous avions bien pensé à envoyer ces troupes de Sambre-et-Meuse relever celles qui sont devant Mayence et à vous rendre celles-ci. Mais nous avons vu qu’en prenant ce parti, vous n’auriez pu fournir à toutes les troupes tout ce dont elles auraient besoin pour faire une guerre de campagne. »

Les 28 000 hommes promis par le Comité n’arrivent pas. Ils se réduisent à douze bataillons, que Jourdan envoie le 25 octobre, dont six seulement se présentent à temps pour combattre. Contrairement à ce qu’annonçait le Comité, ces bataillons n’apportent rien de ce qui leur est nécessaire. Leur présence devant Mannheim ne fait qu’accroître la pénurie générale de l’armée et qu’accuser l’impuissance en laquelle se trouve Pichegru de marcher à l’ennemi. Lorsqu’il a pourvu à la défense de ses positions, il lui reste à peine 20 000 hommes, dépourvus d’équipement. Il est réduit à prolonger son séjour devant Mannheim.

Cette situation se trouve exposée avec une évidence saisissante dans une lettre qu’en ce même mois d’octobre, Chasseloup-Laubat, chef du génie au siège de Mayence, écrit au conventionnel Gillet : « Pichegru se soutient à peine sous les murs de Mannheim et ne s’y soutiendra pas longtemps. Nous autres, nous serons dans deux jours enfoncés et contraints de nous retirer de devant Mayence par le retour d’une partie de l’armée qui a fait reculer Jourdan. Si le gouvernement n’envoie pas 30 000 hommes à Jourdan et autant à Pichegru, il risque de voir reporter la guerre sur nos frontières et sur la Meuse. Je ne