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éloquent et très zélé qui se portait garant des revendications de toutes les femmes. L’opposition est fondée sur les différences physiologiques entre les deux sexes. Les anti-suffragistes aspirent au développement aussi complet que possible de la femme en tant que femme ; elles veulent le partage égal de tous les privilèges, mais le scrutin n’est pas un privilège ; c’est une obligation qui entraîne certains services rendus à l’Etat, lesquels exigent la force physique qu’elles n’ont point. En méconnaissant ces lois de la nature, les femmes compromettraient gravement d’autres devoirs qui leur incombent et qui, dans la vie économique de l’Etat, ont une importance égale à celle des devoirs différens de l’homme.

Et la mère du mouvement féministe allemand, Louise Otto, tout en proclamant la nécessité du suffrage, faute duquel, à l’en croire, la femme n’arrivera que bien lentement, si elle y arrive jamais, à faire reconnaître ses droits, a insisté jusqu’à sa mort, récemment survenue, pour qu’une revendication prématurée ne fût pas soumise au Parlement. Elle y voyait un double péril : déchaîner la violence chez des hommes rompus depuis tant de siècles à l’absolutisme, et augmenter encore la timidité des femmes résignées à l’effacement depuis des siècles aussi.

Par bon sens d’une part, par prudence de l’autre, le mouvement est donc contenu des deux côtés de l’Atlantique. Ceci posé, il n’y a aucun inconvénient à souhaiter avec lady Henry Somerset qu’on fasse chez la femme l’éducation de la responsabilité. Elle en appelle aux grandes souveraines : Elisabeth, Marie-Thérèse, Catherine II, Marguerite d’Autriche, la reine Victoria. Elle en appelle surtout au Christ, qui fut le premier à placer hommes et femmes sur un terrain égal. Et elle s’écrie : « L’influence de la femme est en proportion de son attachement au christianisme, qui fut le vrai mouvement féministe. »

Qu’en disent telles lumières du parti, qui refusent même au christianisme d’avoir été un fait historique grandiose et bienfaisant ?

La dernière séance du Congrès de Londres finit sur cet élan de ferveur religieuse. On se souvient malgré soi d’un passage de Taine dans ses Notes sur l’Angleterre, justes aujourd’hui comme elles l’étaient alors. Parlant des ouvriers envoyés par les trade-unions aux élections pour haranguer le peuple, il les montre parfaitement libres de tout dire, pourvu qu’ils respectent l’Eglise,