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italienne et espagnole qui, au début du XVIIe siècle se mêlent, dans notre littérature et se disputent l’empire de notre esprit ? A quel moment la Comedia espagnole fait-elle chez nous son apparition ? Quels élémens allait-elle apporter à notre théâtre et dans quel sens allait-elle diriger notre tragédie et notre comédie ? De quoi lui sont redevables le grand Corneille et son petit frère, et Rotrou, et Scarron, et Molière, et tant d’autres ? En retour, quels services avons-nous rendus à la Comedia ? Puis, pourquoi une réaction est-elle devenue nécessaire et contre quels excès s’est révolté l’esprit français ? Et, au moment où elle semblait mise en déroute, l’influence de l’Espagne ne préparait-elle pas un retour offensif ? Ce sont autant de questions dont on voit assez l’importance et sur lesquelles M. Martinenche nous apporte de précieux renseignemens. S’il a profité, comme il le devait, des travaux de ses devanciers et de ceux notamment de M. Morel Fatio, son étude n’en reste pas moins neuve sur beaucoup de points. C’est un chapitre de notre histoire littéraire qui devait être écrit. M. Martinenche nous le donne dans un livre qui témoigne, non pas seulement d’une compétence spéciale, mais aussi d’un goût très exercé et d’un réel talent d’exposition.

Par une rare bonne fortune, la voie qu’a suivie chez nous l’influence espagnole est toute bordée de chefs-d’œuvre, puisque le Cid, Don Juan, Gil Blas, le Barbier de Séville, Hernani sont d’origine ou de couleur espagnole. Pendant plus de trois siècles, les rapports entre les deux littératures sont ininterrompus. Aussi bien on sait précisément à quelle date et sous quelle pression a commencé de se faire sentir chez nous l’influence de l’Espagne. Charles-Quint atteignait à l’apogée de sa puissance, les Espagnols emplissaient le monde du bruit de leurs exploits ; leur puissance politique et militaire donna l’essor à leur renommée littéraire. Les Amadis traduits en français obtiennent chez nous un succès prodigieux. Un élément nouveau, et dont il n’y avait pas trace dans notre littérature du XVIe siècle, y fait son apparition : le romanesque. Le courant se continue et se renforce avec la Diana de Montemayor, avec l’Astrée, qui on est une imitation, et avec toute la littérature sortie de l’Astrée. Désormais le chemin de la France est ouvert : beaux esprits, romanciers chevaleresques et picaresques, moralistes et casuistes passent par la brèche. Les circonstances peuvent changer et l’Espagne de Philippe IV peut bien être singulièrement déchue : en vertu de la vitesse acquise, le mouvement s’accélère et se propage. Au temps de Louis XIII, l’influence espagnole pénètre les modes, les mœurs, les relations sociales,