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avoir contribué à ses résolutions. Le dissentiment ne présenterait d’ailleurs aucune importance, s’il n’était une preuve de la multiplicité des mensonges des deux narra, leurs. Après des hésitations que Montgaillard déclare n’avoir dissipées qu’avec peine et que Fauche-Borel dit ne s’être pas manifestées, le prince de Condé se décide à tracer de sa main quelques lignes destinées à Pichegru, et que Fauche-Borel devra lui remettre le lendemain au rendez-vous qu’ils se sont donné.


II

En retournant à Strasbourg, le 18 août, Fauche-Borel emportait donc un billet du prince de Condé et une lettre de Montgaillard, complétée par l’énumération des récompenses qu’on promettait à Pichegru et des engagemens qu’on lui demandait. Le billet du prince était ainsi conçu : « Puisque M. Pichegru paraît penser comme je l’ai toujours espéré, il est absolument nécessaire qu’il m’envoie, avec un mot de sa main, un homme de confiance qui m’instruise positivement s’il veut et peut faire ce qui lui a été communiqué et à qui j’expliquerai de mon côté les avantages de tout genre que j’assurerai à M. Pichegru et à ses amis, s’il veut contribuer avec moi à sauver la France et à rétablir notre Roi sur son trône. Sans la mesure que j’indique, les messages peuvent se multiplier, perdre un temps précieux et compromettre cet important secret. — Mulheim, ce 18 août 1795. Louis-Joseph de Bourbon. »

Impossible de se tromper à ce que ce billet trahit de hauteur et de réserve envers Pichegru, de défiance envers les émissaires. C’est d’abord l’affectation mise à ne pas donner à Pichegru son titre de général ; c’est ensuite la demande à d’un mot de sa main et d’un homme de confiance[1], » qui semble indiquer qu’on doute de la véracité des agens. Cependant, le prince n’est pas loin de croire au succès. Nous en avons pour preuve la lettre qu’il envoie le même jour à Montgaillard et qui tend d’ailleurs à démontrer que celui-ci, contrairement à ce qu’il prétend, n’était pas à Mulheim, quand le prince a écrit à Pichegru : « Ceci prend une bonne tournure, lui dit Condé : il est impossible de se refuser à l’espérer. Je suis bien résolu à envoyer avertir le Roi

  1. Fauche-Borel, dans ses Mémoires, affirme que le prince de Condé n’a pas demandé un écrit de Pichegru. La lettre du prince lui inflige un démenti.