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Sous cette confidence, d’Egrr avait cru voir les intentions du prince. Il s’était aussitôt occupé de trouver des intermédiaires capables de remplir une mission aussi délicate. Il déclarait « avoir trouvé quelqu’un. » Condé ne put que lui objecter qu’il arrivait trop tard, la partie étant déjà liée. Fauche-Borel et Antoine Courant avaient quitté Mulheim le 26 juillet, pourvus d’instructions et de ressources, pour se rendre en Alsace où opérait l’année du Rhin.

Il est difficile de s’expliquer pourquoi Montgaillard ne s’était pas exclusivement réservé l’honneur de la négociation et avait abandonné à des tiers les démarches actives. Craignait-il de se compromettre ou de s’exposer à quelque avanie, s’il était reconnu au quartier général français ? On ne sait. Un fait seul est positif : c’est qu’il laissa les fatigues et les dangers de l’entreprise à Fauche-Borel et à Courant, résolu, quant à lui, à rester dans la coulisse et à tout diriger de haut et de loin. A cet effet, il alla se fixer à Bâle, également à portée des agens et du prince de Condé.

Le 10 août, étant en route, il fait halte à La Caldelberg, d’où il commence à accabler le prince de sa menteuse, vide et toujours verbeuse correspondance : « Je crois très probable qu’à la fin de ce mois. Votre Altesse aura peut-être changé la face de l’Europe. Mais je la supplie de me permettre de lui observer que le plus impénétrable secret peut seul, dans le moment actuel, assurer l’exécution du projet. Je réponds des personnes à qui j’ai confié le projet et le secret. » À cette date, « les personnes » étaient à Strasbourg, non loin du quartier général de Pichegru, établi au château d’illkirch, cherchant en vain l’occasion d’aborder le commandant en chef de Rhin-et-Moselle.

Ici, s’ouvre l’interminable série des mensonges de Montgaillard. Ils emplissent les lettres qu’il écrit à Condé ; pour lui rendre compte des faits et gestes des agens. N’ayant rien de bon à dire, il invente. Un jour, il annonce « qu’ils sont sûrs de parler au général le lendemain ; » un autre jour, que l’un d’eux va sans doute revenir avec quelqu’un de confiance. Puis, toujours à l’en croire, les événemens promettent de se précipiter ; ils vont éclater. Durant plus d’une semaine, il trompe ainsi l’impatience de Condé. Le 12 août, il lui déclare être averti qu’un des agens est parti de Strasbourg pour venir conférer avec lui. Ceci, du moins, était vrai. Fauche-Borel arrivait à Bâle, mais c’était pour