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lui-même. Mais combien d’autres intérieurs où le contraire se produit ! Cela commence assez haut ; dans la bourgeoisie, la mère de famille, chargée d’enfans, accablée de responsabilités, n’a pas toujours l’argent de poche nécessaire pour prendre l’omnibus ; son mari, lorsqu’il lui offre une robe neuve, s’attend à des explosions de reconnaissance ; et, quant à l’ouvrière, c’est une servante, souvent maltraitée, dont le service ne s’arrête jamais. N’y aurait-il pas lieu de forcer l’homme à reconnaître un dévouement de toutes les minutes ? Mais à quoi bon poser cette question ? Les femmes l’écarteront, comme je l’ai vu faire chez nous au Congrès des droits de la femme ; une femme éloquente, qui se glorifiait d’être du peuple, s’est élancée pour répondre avec une noblesse que je n’oublierai de ma vie. Il faut bien dire, cependant, que l’habitude de travailler pour rien retarde le développement industriel. Ce qui le retarde plus encore, c’est l’ignorance dédaigneuse du travail témoignée par certaines femmes qui ne savent, celles-là, que se faire servir, sans participer à aucun effort, tout en exerçant une égoïste influence sur la société et, chose plus grave encore, sur leurs enfans, qu’elles gâtent sous prétexte de les élever. Ces femmes-là propagent à la fois le mépris du travail et l’avidité du gain, car se faire donner sans rendre est un besoin animal assez naturel.

Qu’on se dise bien que la position d’indépendance économique qui s’ouvre aux femmes d’aujourd’hui, qu’elles ont même atteinte déjà aux Etats-Unis et en Angleterre, n’est pas seulement un moyen de gagner leur vie, mais que c’est le détachement de l’égoïsme individuel primitif pour un mutualisme généreux qui est l’ordre véritable de ce monde.

Les femmes doivent encourager, dans l’intérêt de la qualité du travail, le vœu de la réglementation légale des salaires ; cette réglementation existe à Melbourne (Victoria). Le minimum des salaires de certains métiers y est fixé par la loi. C’est peut-être le seul moyen d’avoir raison des mauvaises ouvrières qui font tant de tort, aux plus habiles en avilissant les prix.

Mais il ne s’agit pas seulement de l’éducation technique du producteur ; il faut aussi considérer l’éducation morale du consommateur. Un très joli rapport, envoyé des Etats-Unis, traite de l’éthique de la dépense ; il montre que notre manière de la concevoir influe très fort sur l’avancement de la civilisation et sur le développement du caractère. Chaque fois que nous dépensons