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toutes les réformes. C’est le thème international par excellence, et les femmes y prennent un intérêt naturel, la dignité et le bonheur de la maison dépendant de la sobriété de l’homme.

L’association anglaise de tempérance des femmes a pour présidente lady Henry Somerset, émule et amie de la laineuse Frances Willard, qui entreprit en Amérique une si ardente croisade contre l’alcoolisme. Le péril est pressant, car, à l’entrée du XXe siècle, la consommation des liqueurs fortes ne cesse de grandir en Angleterre, et les femmes, pour ne parler que d’elles, sont possédées plus que jamais du démon de l’ivrognerie. La mortalité par excès alcooliques a augmenté depuis vingt ans de 104 pour 100 parmi elles. Contre un mal aussi violent et aussi invétéré, il n’y a, selon lady Somerset et ses adeptes, que l’abstinence totale qui puisse être efficace ; l’ennemi doit disparaître de toutes les tables.

Les Allemandes tâchent dans leur pays d’éveiller à ce sujet la conscience sociale et y ont déjà si bien réussi qu’une loi va être promulguée par laquelle l’ivrogne de profession sera déclaré mineur et interdit. Maintenant on construit, dans de jolis sites que fréquentent les promeneurs, des cafés qui n’ont rien de commun avec ceux où le café proprement dit n’est qu’un prétexte ; des salons de lecture y sont annexés. Quant aux misérables victimes de l’alcool, elles sont soignées et quelquefois guéries par les efforts de sociétés de charité spéciales.

Le problème de la suppression de l’ivrognerie est traité au Congrès par une femme pasteur américaine, la Révérende Anna Howard Shaw. Les membres d’une union, affiliée au conseil national des femmes, secondent avec zèle les écoles dans l’instruction scientifique de la tempérance qui est donnée à toute la jeunesse. Ces dames attaquent le monstre au moyen de la presse et de la tribune. Il y a, pour les encourager, de beaux exemples de réforme. Au commencement du siècle, les Suédois étaient peut-être, de tous les peuples d’Europe, celui qui s’enivrait le plus. Chaque citoyen avait le droit de fabriquer et de vendre des liqueurs fortes ; en 1829, il existait 173 124 distilleries pour une population de trois millions à peine. Le fléau fut conjuré par la loi de 1855, qui taxa les spiritueux et mit leur distribution entre les mains de l’Etat. Huit cents paroisses rurales supprimèrent aussitôt la vente de l’eau-de-vie. Nulle part aujourd’hui, il n’y a moins de cabarets que dans ce pays digne de servir de modèle à