Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/837

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’épreuves et d’avancement. Mrs Johnson, sa directrice, expose ce système au Congrès international dans un magnifique rapport tendant à prouver que nulle criminelle n’est incorrigible. Le plus grand service qu’on puisse rendre à ces malheureuses est de les amener à une soumission intelligente, leur enseignant à bien agir parce que c’est bien, à prendre la bonne décision en se sentant libre de prendre la mauvaise, car leur mal est une sorte de paralysie de la volonté. L’empire sur soi-même, voilà ce qu’elle s’efforce d’inculquer à des êtres qui n’ont plus de gouvernail, et elle reconnaît leurs moindres efforts par de petits privilèges qui tous auront pour but d’éveiller dans des âmes abaissées au niveau de la brute une lueur d’idéal, si vague soit-elle.

Mrs Johnson cite des exemples nombreux et saisissans de sa manière d’opérer ; elle insiste sur un point : ni dureté, ni faiblesse, esprit de justice sans cesse présent ; ainsi on vient à bout des pires, et les pires ne sont pas toujours celles qui ont commis les crimes les plus punis. Il ne faut donc pas considérer les causes de la peine, ni provoquer d’inutiles confidences, mais oublier systématiquement le passé pour ne tenir compte que de la vie nouvelle dont la forte discipline et l’éducation morale de la prison seront le fondement.

« Les bons principes dans le cœur de beaucoup d’abandonnées peuvent se comparer aux dernières étincelles d’un feu qui meurt. Avec infiniment de soin et d’attention, il est possible d’en faire doucement jaillir une petite flamme, mais sous une main rude elles s’éteindraient, perdues pour jamais. »

Tels furent les derniers mots que prononça Ellen Johnson, au Congrès où elle ne devait plus reparaître. Elle avait, le 27 juin, remué tous les cœurs par sa parole chaude et généreuse ; le 30 du même mois, sa mort fut annoncée.

Cette figure d’une femme de bien, dévouée à la plus grande de toutes les tâches, celle qu’elle résumait ainsi : « Un criminel corrigé est un citoyen de plus gagné à la pairie, » cette figure où dominait une honte toute maternelle qui n’excluait pas une souveraine autorité, restera impérissable dans la mémoire de ceux qui l’ont connue, ne fût-ce, comme moi, qu’un seul jour.

On entend avec sympathie Mme Bogelot, directrice générale de l’œuvre des libérées de Saint-Lazare, fondée à Paris par l’abbé Michel et par sa nièce, Mlle de Grandpré, servie ensuite par de nobles femmes, telles que Mme Caroline de Harrau et Mme Emilie