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L’ENCYCLOPÉDIE.

ouvrières la moralité, la sécurité, les habitudes de travail et de probité, une saine discipline. Elles étaient devenues tyranniques, infiniment étroites d’esprit, rebelles à tout progrès, ennemies de toute indépendance et conservatrices de toute routine. Elles étaient détestées du public, du gouvernement, de la magistrature, de leurs subordonnés et de tout ce qui n’y était pas maîtres. On ne peut s’étonner, ni se plaindre, de ce que les Encyclopédistes leur aient fait si rude guerre. Peut-être a-t-on eu tort de supprimer purement et simplement les maîtrises et eût-il valu mieux les amender profondément ; mais elles n’étaient pas loin de mériter leur sort. Je ne laisse pas de craindre qu’elles ne renaissent, cent dix ans après leur destruction, dans les syndicats ouvriers. Il y a lieu sur ce point à quelque inquiétude. Ce ne sont pas les destructions salutaires de l’Encyclopédie et de la Révolution qui paraissent être définitives.

Toujours est-il qu’on ne voit guère que des idées de bon sens dans l’Encyclopédie (comme dans Voltaire, du reste) sur tout ce qui concerne la législation et l’administration intérieures. Tout ce qu’elle pouvait dire, elle l’a dit ; tout ce qu’elle a dit est extrêmement peu contestable, et l’on applaudit à ce résumé : « Voulez-vous rendre la nation riche et puissante ? Corrigez les abus et les gênes de la taille, de l’impôt sur le sel ; répartissez les impôts suivant les principes de la justice distributive… La France serait trop puissante et les Français trop heureux si ces moyens étaient mis en usage. »


IV


Les Encyclopédistes ont tenu plus encore à une destruction plus importante selon eux et plus salutaire que toutes celles que nous venons d’indiquer. Ils ont désiré très vivement l’abolition de toutes les religions. L’état d’esprit des Encyclopédistes à cet égard est tout à fait particulier. Il est certains esprits qui détestent dans la religion, quelle qu’elle soit, un principe d’autorité. Despotisme temporel, despotisme spirituel leur paraissent connexes et solidaires. Religion est pour eux commandement extérieur ; esprit religieux est pour eux abdication de la volonté. Et cet état d’âme n’est pas celui des Encyclopédistes ; car ils ne