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en sociétés de différens types. Aucun d’eux n’est la propriété exclusive d’un seul homme. Considération d’ordre vulgaire et matériel, qui n’est point sans influence sur l’état moral, le rôle et l’attitude de la presse dans notre pays.


II

L’ère du journal vivant nécessairement de l’annonce fut, comme on sait, inaugurée sous Louis-Philippe par Emile de Girardin. Lorsque, en 1835, il fonda la Presse, la première feuille à 10 centimes, le Journal des Débats — Crésus de l’époque — tirait 200 000 francs par an de sa publicité. Girardin se flatta de dépasser ce chiffre en offrant au commerce, par l’armée d’abonnés qu’il lèverait, un vaste terrain de culture pour les affaires. Le succès ne se fit pas attendre : la quatrième page de la Presse était affermée 150 000 francs en 1838, et 300 000 en 1845. Mais, sauf le Siècle qui imita fructueusement cet exemple, les organes d’alors persistaient dans leurs anciens erremens.

En 1847, M. Panis alla trouver les directeurs des journaux politiques — il en existait six seulement — et s’offrit à leur procurer des annonces s’ils lui confiaient le monopole de la régie. Comme ils n’avaient jusque-là qu’un maigre stock d’insertions légales et de vagues réclames, soldées souvent en nature, telles que « l’eau de Botot, » le marché fut tôt conclu. Ainsi naquit la première agence parisienne. À côté délie fonctionnait un nommé Havas, ancien banquier et fournisseur militaire, ruiné à la chute du premier Empire, qui adressait aux journaux de province une correspondance — embryon des futures dépêches et des messages téléphonés — où il résumait les nouvelles quotidiennes. Il vendait sa prose assez cher, et les feuilles des départemens, peu fortunées en général, n’affluaient pas à sa caisse ; il leur proposa de payer leur abonnement en annonces que lui-même se chargerait de fournir.

Après la tourmente de 1848 des nuées de gazettes se fondèrent dans les plus petites villes ; il s’en trouva bientôt près de 400. Mais en même temps surgit, sous le titre de Bulletin de Paris, une concurrence à la lettre Havas, rédigée par M. Laffite, ancien secrétaire général de la préfecture de police. Après s’être fait la guerre de leur mieux, Havas et Laffite s’associèrent (1858). Avec l’aide d’un sieur Bullier, courtier très expert dans sa