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la trahison à laquelle il était déjà trop résolu. Force est donc de rappeler que c’est lui qui, le premier, avait proposé de franchir le Rhin, de porter la guerre sur le territoire ennemi et de s’y assurer des quartiers d’hiver en éloignant des frontières les Autrichiens et les émigrés. C’est de son propre plan que s’inspirent les instructions qu’il reçoit du Comité. Ces instructions n’affectent jamais la forme d’un ordre. « On s’en rapporte à lui, à ses talons, à son dévouement à la patrie pour les moyens d’exécution du système offensif (7 juillet). » Le 17, ces instructions sont renouvelées dans la même forme. Le 27 août, le Comité lui écrit : « Le général Jourdan nous annonce que l’ennemi continue à recevoir journellement des secours du haut Rhin, qu’il a déjà un camp considérable vers Dusseldorf, un camp volant vers Mulheim, un autre camp volant en avant de Bonn et un de 25 000 hommes derrière Neuwied, et qu’il reçoit et attend encore de nouveaux renforts. L’ennemi ne pouvant faire tous ces mouvemens sans dégarnir la partie qui vous est opposée, vous en profiterez sans doute pour forcer le passage sur un des points que vous avez choisis. Le Comité ne peut à cet égard que s’en rapporter pleinement à vous, soit pour agir véritablement, soit pour faire quelques démonstrations qui puissent inquiéter l’ennemi et le tenir en suspens sur ses véritables points d’attaque. »

Cette lettre témoigne des illusions que se fait le Comité de Salut public, lorsqu’il suppose que les Autrichiens ne se sont fortifiés du côté de l’armée de Sambre-et-Meuse qu’en s’affaiblissant du côté de l’armée de Rhin-et-Moselle. En même temps qu’il rectifie cette erreur dans sa réponse du 31 août, Pichegru expose ses raisons et ses projets. Son exposé mérite d’être cité en son entier, parce qu’à la date où le Comité de Salut public en reçoit communication, Pichegru, s’il faut en croire les dénonciations ultérieures de Montgaillard, a déjà le pied dans la trahison. Si, le 19 août, comme on l’en accuse, il a pris envers les émissaires du prince de Condé de formels engagemens, on peut se demander à quels procédés il recourra pour les tenir, alors que le plan qu’il soumet, douze jours plus tard, au Comité rend impraticable celui qu’il a promis d’exécuter au profit de la cause royale. « Je ne vous ai pas fait connaître mon opinion sur le projet d’attaque et de passage aux environs d’Huningue, parce que, depuis qu’il en a été question, toute tentative est devenue impossible par les dispositions qu’a prises l’ennemi, et notre offensive sur ce point se