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trouver l’emploi, on le croit volontiers ; mais, d’abord, peut-être serait-il permis de songer à la liberté des familles, de demander qu’on leur reconnût le droit de choisir les maîtres chargés de remplir la mission sacrée d’élever leurs enfans ? Point : les enfans appartiennent à l’Etat avant d’appartenir aux pères et aux mères. — C’est la pure doctrine jacobine, elle ne se discute point ; ses adeptes ne sauraient être convertis ; passons donc, et contentons-nous du souci de savoir comment et où l’on abritera les centaines de milliers d’en fa ris aujourd’hui reçus dans les écoles congréganistes. On se mettra de nouveau à construire ; mais en attendant ? On recommencera la danse des millions ; alors, que parle-t-on de mainmorte, et comment ose-t-on la reprocher aux autres, quand on la pratique si largement soi-même ? Il n’y a qu’une chose certaine : c’est que l’on jettera dans tout un monde d’honnêtes gens un trouble profond ; que ces honnêtes gens, atteints au plus intime de leurs sentimens et de leurs affections, deviendront d’irréconciliables ennemis ; et cela peut être grave, parce qu’avec ce terrible suffrage universel, on n’est jamais sûr de rien, parce qu’il a de ces variations et de ces soubresauts qui défient les calculs les plus habiles, les prévisions les plus affinées.

Il y a les congrégations qui secourent. Par qui les remplacerez-vous ? J’en nomme une, les Frères de Saint-Jean-de-Dieu, qu’on aura peut-être reconnue quand je parlais d’une congrégation d’hommes soignant plus de trois mille malades, dont plus de deux mille indigens, aliénés, vieillards, enfans infirmes, aveugles. Ces deux mille indigens, qui les soignera ? Si l’on s’avisait de les déposer un jour sur la voie publique, d’ouvrir les cabanons de fous, croit-on qu’il suffirait d’un ou deux services de sergens de ville pour remettre les choses en ordre ? Je me permets de recommander aux âmes sensibles, comme on disait au siècle dernier, dans un langage qui doit être pieusement recueilli par les purs admirateurs de ces grands jours, une visite au numéro 223 de la rue Lecourbe ; elles trouveront là un spectacle fait pour émouvoir les cœurs les plus endurcis aux misères humaines, l’infirmité, la douleur prenant toutes les formes jusqu’à déconcerter l’esprit, tout en remuant profondément l’âme ; mais elles y verront aussi les dévouemens admirables d’hommes éclairés et soutenus par la foi religieuse, ne reculant devant aucun soin, si répugnant soit-il, pansant les plaies du corps, soutenant et consolant les pauvres petites âmes d’enfans que