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d’hypothèques prises en vue d’assurer le paiement des arrérages de prêts, ainsi que le remboursement du capital prêté ; — je pourrais citer une congrégation ayant à peu près pour quatre millions d’immeubles, grevés d’environ deux millions de charges hypothécaires ; — si le paiement des intérêts, si le remboursement du capital prêté n’a pas lieu, les immeubles seront saisis et vendus ; comment peut-on soutenir que de pareils biens sont hors de la circulation, hors du commerce, qu’ils sont, en réalité, des biens de mainmorte ?

En outre, les véritables biens de mainmorte, tels que ceux affectés à un service public, ne paient pas l’impôt ; en est-il de même pour ce qui concerne les immeubles possédés par les congrégations religieuses non reconnues ? L’une d’elles, dont j’ai les comptes sous les yeux, a, depuis environ douze ans, versé au Trésor près de quatre cent mille francs ! Voici une mainmorte qu’on ne pourra pus accuser de ne rien rendre. Si les immeubles dépendant du domaine de l’Etat, des départemens ou des communes sont exempts d’impôts, c’est, dira-t-on, parce qu’ils sont affectés à un service public. Est-ce que les immeubles dépendant du domaine des congrégations restent étrangers à un service de cette nature ? La congrégation dont je viens de parler, celle aux quatre cent mille francs d’impôts versés, congrégation d’hommes, soigne plus de trois mille malades, parmi lesquels plus de deux mille indigens ! Est-ce un service public, cela, ou une entreprise privée ? En tout cas, ce n’est pas une affaire qui ait jamais chances d’avoir son cours à la Bourse.

On fait un effroyable tapage autour de ce qu’on appelle la fortune inouïe des congrégations, le développement immense des biens de mainmorte, qui auraient triplé depuis trente ans, à ce point de devenir un péril économique et social sur lequel il n’est plus permis de fermer les yeux, et l’on ne s’aperçoit pas que, d’après ses propres indications, cette fausse mainmorte est plutôt destinée à se restreindre qu’à augmenter, tandis que la vraie, l’inaliénable, prend de colossales proportions faites pour s’accroître toujours.

M. Trouillot écrit : « Aux propriétés foncières occupées par les congrégations religieuses s’ajoute maintenant une fortune mobilière qui peut facilement délier toutes les évaluations statistiques et les minutieuses investigations du fisc. » Je ne suppose pas que l’on veuille considérer cette fortune mobilière