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grand Pape, avec lequel j’avais entretenu des rapports de confiance entière, et qui personnellement m’inspirait la plus respectueuse sympathie. J’avais eu l’honneur de le faire connaître en détail au gouvernement de mon pays et à la France catholique, par l’intermédiaire de nos évêques qui, presque tous, vinrent à Rome et à l’ambassade, pendant les deux premières années du nouveau pontifical. Vis-à-vis de Léon XIII, je ressentais un attachement égal pour le Pontife et pour l’homme. C’est dire avec quel regret je le quittai et avec quel intérêt, j’ai lu et médité depuis ses admirables encycliques, sorties du Vatican comme les rayons d’un phare lumineux, dont la projection s’est successivement étendue sur toutes les contrées de la terre.

Ma dernière audience fut fixée au 29 février 1880, pour la remise de mes lettres de rappel. Sa Sainteté daigna me donner le grand cordon de Pie IX et son médaillon entouré de pierreries. Elle nous fit, en outre, à ma famille et à moi, l’honneur très rare de nous inviter à sa table, après sa messe, avec le cardinal Nina. C’était beaucoup trop pour de très faibles efforts.

Nous quittâmes Rome le 1er mars. Depuis lors, j’ai suivi avec, bonheur les développemens de ce beau pontificat, dont j’étais loin, comme tout le monde, de prévoir la durée, mais dont je n’avais pas un seul jour, on voudra bien le reconnaître, hésité à présager la grandeur. L’Europe tout entière n’a pas cessé de le suivre dans son action souverainement bienfaisante, et il a désarmé tous ceux qu’il n’a pu encore conquérir. Le siècle qui s’achève tiendra à honneur de le compter parmi ses grandes figures, et le nouveau lui saura gré de l’avoir béni, à son entrée dans le monde, par l’ouverture d’un jubilé solennel. Léon XIII appartiendra ainsi un jour doublement à l’histoire, et personne, n’aura été plus digne que lui d’y marquer son passage.


MARQUIS DE GABRIAC.