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du berceau du genre humain et du tombeau du Sauveur, l’humanité chrétienne se donne rendez-vous dans la personne des représentans des divers Etats, pour y mesurer sa force grandissante ou diminuée, en raison de la protection plus ou moins officielle accordée à ces grands intérêts.


V

Une des questions importantes, que j’eus encore à traiter pendant le cours de mon ambassade, fut celle des nominations épiscopales et des moyens d’arriver, sur cette question délicate, à une entente pratique qui sauvegardât à la fois les deux intérêts en jeu, à savoir la dignité du gouvernement et celle du Saint-Siège, conformément au texte et à l’esprit du Concordat. On se rappelle peut-être que c’était une des premières questions dont m’avait entretenu le Saint-Père à mon arrivée à Rome, et que je m’étais réservé d’en parler dans un chapitre spécial. Je dois ajouter que, en raison de l’importance de ces déclarations, je crus devoir en soumettre le résumé au cardinal Nina, qui le mit sous les yeux du Saint-Père et m’annonça qu’il avait reçu son approbation. Voici le texte de ce résumé, tel que je l’envoyai à M. Waddington :

« Le Saint-Père estime que la pratique constamment suivie dans ces dernières années, celle d’une entente préalable, entre le ministère des Cultes et la nonciature, pour la nomination des évêques, est la seule qui ne présente pas d’inconvéniens. Le droit de nomination directe des évêques, ou l’Indultum, est accordé au chef de l’Etat par le Concordat ; mais un évêque n’est pas un simple fonctionnaire, et par conséquent, il n’est pas à nommer purement par un décret, comme un préfet ou un général ; il n’est évêque pour les fidèles, en vue desquels le gouvernement le choisit et d’après le Concordat lui-même, qu’autant que le Souverain Pontife lui a donné l’institution canonique. Or, le Pape ne peut lui conférer cette institution qu’autant qu’il est à sa parfaite connaissance, — ex conscientia bene informata, que, par ses mérites, la pureté de sa doctrine et. ses vertus, il honorera le siège auquel il est appelé. Or un évêque ne peut honorer son siège qu’en joignant à l’autorité épiscopale dont il est investi ce prestige moral intellectuel et pastoral qui lui procure la confiance de son clergé et la vénération de son peuple. Sans doute le gouvernement lui-même a intérêt à ne placer sur les sièges