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V

La nécessité de la présence du sel ordinaire dans les alimens résulte de l’évolution qui vient d’être esquissée. L’organisme ne se maintiendrait pas, ou, en d’autres mots, la santé ne se conserverait point si ce qui est perdu n’était pas restitué. Il faut donc, par suite, des alimens minéraux : il faut du sel. Il y a des besognes physiologiques pour lesquelles ce sel ordinaire pourrait être remplacé par un autre ; et nous avons vu que c’était. le cas pour la sécrétion gastrique. Mais il y en a d’autres pour lesquelles cette substitution ne serait probablement pas possible. Il y a un minimum de chlorure de sodium indispensable à la vie.

À la vérité, ni l’homme ni les animaux n’ont à se préoccuper de trouver ce minimum. Il est couvert et au-delà par les quantités de sel qui existent normalement dans les alimens naturels. La difficulté n’est donc pas de se procurer des substances nutritives contenant ce minimum nécessaire : elle serait, plutôt, de constituer une alimentation, d’ailleurs suffisante au point de vue des matières azotées, grasses et féculentes, et qui ne contiendrait pas ce minimum.

Un physiologiste a pourtant, résolu ce problème : c’est Forster en 1864. Il utilisa les déchets de poudre de viande provenant de la fabrication de l’extrait Liebig ; il les traita à plusieurs reprises par l’eau bouillante de manière à enlever la presque totalité des sols solubles <[1] ; et, avec cette viande lessivée, de la fécule et de la graisse, il constitua une ration à laquelle il ne manquait véritablement que les sels minéraux.

On peut dire des animaux nourris avec cette ration qu’ils étaient soumis, en réalité, à l’inanition minérale. L’expérience de Forster, exécutée à Munich, sous la direction de Voit, est en effet une expérience typique d’inanition minérale complète, et c’est peut-être la seule qui ait existé dans la science, jusqu’à ces dernières années où Bunge et, d’autres physiologistes l’ont reprise.

La nécessité de l’alimentation minérale, avait été affirmée dès 1851, par Liebig, dans ses Lettres sur la Chimie, comme un

  1. Il n’en restait plus que 0,8 pour 100 du poids sec.