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animal et l’exclusion de ce condiment. Il reste à pousser plus loin et à se demander la raison de ces rapports remarquables. C’est la question que M. Bunge s’est posée, et qu’il a résolue, en chimiste, par une théorie fort ingénieuse.

La réponse pourrait être fort simple. Si, par exemple, la différence des deux régimes alimentaires correspondait à une différence de leur teneur en sel ; si la nourriture d’origine végétale était pauvre en sel marin et que la nourriture animale fût riche en celle substance, la chose irait de soi : la loi empirique de Bunge trouverait une explication évidente. Il faudrait ajouter du sel à l’aliment naturel simplement parce que celui-ci n’en apporte pas une quantité suffisante.

Mais, les choses ne se présentent point avec cette simplicité. Les deux modes de nourriture ne se distinguent point par la quantité de sel qu’ils apportent à l’organisme, et le besoin de sel n’apparaît point comme une conséquence directe du déficit de la ration. En fait, les deux espèces d’alimens sont très pauvres, l’un et l’autre. Si l’on essayait d’évaluer approximativement la quantité de cette substance que le carnassier trouve dans sa ration quotidienne, on s’apercevrait qu’elle ne diffère point profondément de celle que l’herbivore rencontre dans la sienne. Les différences, sans être absolument négligeables, ne méritent point d’entrer en ligne de compte.

La plupart des alimens, qu’ils viennent des plantes ou des animaux, si on les envisage dans leurs constituans essentiels, sont fades, insipides, insuffisamment salés pour notre goût. Les albuminoïdes de la viande, les graisses, l’amidon des céréales ou des légumineuses, par eux-mêmes, n’exerceraient aucune action sur notre sensibilité gustative. La saveur de notre nourriture lui vient de produits secondaires, d’arômes et de bouquets qui lui sont surajoutés en quelque sorte ; et, pour tout dire, de substances étrangères, existant en quantités très faibles, éthers, acides, huiles essentielles que la préparation culinaire et la cuisson ne font que développer davantage. En général, la nourriture naturelle est faiblement salée.


Cette faible quantité de sel marin contenue dans les mets naturels devrait suffire à nos besoins, dans le cas du régime végétal, comme elle y suffit dans celui du régime animal. Pourquoi n’en est-il pas ainsi ? D’où vient que l’un des modes