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acceptés en gage après avoir été portés durant quelque temps.

Les nécessiteux ne sont pas seuls du reste à s’adresser au mont-de-piété. Il est aussi le banquier d’une légion de petits fabricans ou commerçans qui ne trouveraient nulle part un taux plus avantageux que celui de 6 fr. 35 pour 100, exigé par lui. Quoique cette catégorie fournisse à peine le dixième des emprunteurs, elle absorbe plus du quart des sommes prêtées. — 14 millions de francs. — Au contraire les ouvriers, qui ne reçoivent qu’un chiffre à peu près égal de 14 millions, représentent les six dixièmes de l’effectif des emprunteurs.

Mais aussi la destination du prêt n’est pas la même : le petit patron, quand les affaires marchent, emprunte pour produire, pour acheter des matières premières : l’ouvrier emprunte pour consommer ; pour vivre, quand le travail ne marche pas. Aussi a-t-il été constaté que ces deux motifs opposés, qui conduisent le Parisien chez « ma tante, » s’excluent l’un l’autre : quand les patrons engagent de l’argenterie, les ouvriers dégagent des draps et réciproquement. Fait paradoxal : la visite au mont-de-piété de toute une catégorie de patentés est un indice de prospérité industrielle. Il vient ainsi, aux bureaux de la rue des Francs-Bourgeois et dans leurs succursales, des aristocrates de la gêne et de véritables déshérités de la vie. Les seconds profitent du voisinage des premiers. Le taux de 6 fr. 35 pour 100, qui semble élevé à première vue, serait cependant beaucoup trop bas pour permettre au mont-de-piété de couvrir ses dépenses sur les deux tiers des prêts.

Ce taux constitue une sorte d’assistance mutuelle entre les emprunteurs. On comprend que les frais généraux sont presque les mêmes pour une grosse somme que pour une petite. Puis, remplacement occupé par une machine à coudre est beaucoup plus vaste que celui de 12 couverts d’argent et les risques de dépérissement d’une couverture de laine sont beaucoup plus grands que ceux d’une paire de boucles d’oreilles en diamant.

Les dépenses du mont-de-piété se composent d’abord de la rente des fonds qu’il emprunte d’une main pour les prêter de l’autre ; car il ne possède eu propre aucun capital. Le service de sa dette, au taux moyen de 2 fr. 67 pour 100, lui coûte environ 1 500 000 francs par an. L’ensemble des frais d’administration, magasinage, assurances, manutention, personnel, etc. s’élève en outre à près de 2 400 000 francs. Or, il appert des calculs officiels