Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est tout ce qu’ils en disent, sans plus ; et peut-être n’en eussent-ils rien dit, s’ils n’avaient cru devoir répondre à ce passage de Thomas Sibilet dans son Art poétique :


La Moralité française représente en quelque chose la tragédie grecque et latine… Et si le Français s’était rangé à ce que la fin de la Moralité fut toujours triste et douloureuse, la Moralité serait tragédie. (Art poétique, Éd. de 1548, p. 62.)


Il faut attendre que Jodelle, que la Péruse, que Grévin aient paru. Mais ce qu’en tout cas les auteurs de la Défense ont bien su, c’est qu’il n’est pas vrai que tous les « genres littéraires » se vaillent ; et ce qu’ils ont affirmé, c’est qu’il y en a d’inférieurs.


O combien je désire voir sécher ces Printemps, chastier ces Petites Jeunesses, rabbatre ces Coups d’essai, tarir ces Fontaines, brief abolir tous ces beaux filtres assez suffisans pour dégoûter les lecteurs sçavans d’en lire davantage. Je ne souhaite moins que ces Dépourvus, ces Bannis de liesse, ces Esclaves, ces Traverseurs soient renvoyés à la table ronde, et ces belles petites devises aux gentilzhommes et damoiselles d’où on les a empruntées. Que diray plus ? Je supplie à Phébus Apollon que la France, après avoir été si longuement stérile, grosse de lui, enfante bientôt un poète dont le luth bien résonant face taire ces enrouées cornemuses. (Illustration, Livre II, ch. XI.)


Et ce qui est encore certain, c’est qu’en substituant aux « épiceries » des vieux rhétoriqueurs les genres des anciens, s’ils en ont, comme ils disaient en leur langue, « extollé » deux pardessus les autres, l’Ode et le Long poème françois, leur admiration ne s’est pas trompée tout à fait dans ses préférences.

Il est vrai qu’ils y ont ajouté le Sonnet, et nous avons dit quelle résistance l’innovation avait soulevée. Le sonnet, pour l’auteur du Quintil Horatian, avait premièrement le tort d’être italien d’origine, étranger par conséquent ; et de n’être, en second lieu, comme la ballade et le rondeau, qu’un poème à forme fixe, mais moins « savant » en ses « croisures. » Tout autre était l’avis de Ronsard et de Du Bellay :


Sonne-moi ces beaux sonnets, — disaient-ils à leur poète futur, — non moins docte que plaisante invention Italienne, conforme de nom à l’Ode, et différente d’elle, seulement pour ce que le sonnet a certains vers reiglez et limitez, et l’Ode peut courir par toutes manières de vers librement… Pour le sonnet donc tu as Pétrarque et quelques modernes italiens. (Illustration, Livre II, ch. IV.)