Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était parvenu à la dérober à la surveillance de ses gardiens, ou, tout au moins, à l’expédier grâce à la complicité de l’un d’eux. Sa bonne grâce et l’égalité de son humeur lui avaient conquis les sympathies de tous ceux qui l’approchaient.

Tout autre, Dominique Allier. Jusque dans les fers, il restait l’homme bouillant et ardent qu’il avait toujours été. Loin d’être résigné à mourir, il espérait que les royalistes de la contrée, parmi lesquels il était populaire, parviendraient à le délivrer. Il est certain que la quadruple arrestation de Saint-Pal les avait exaspérés et disposés à de nouveaux coups de main. « Les montagnes de la Haute-Loire sont en feu, écrivait de Lyon, au ministre de la Guerre, le général Pille, en demandant un envoi de troupes ; les campagnes sont sans défense et la protection des prisons est insuffisante. » On devait donc craindre qu’ainsi qu’on l’avait déjà vu à plusieurs reprises, les prisonniers ne fussent enlevés.

Ce qui était sujet de crainte pour les autorités de la Haute-Loire était sujet d’espoir pour Dominique Allier. Il travaillait sans relâche à se créer des relations avec le dehors. Il ne désespérait pas de faire parvenir ses ordres aux nombreux partisans qu’il avait dans le pays. Par malheur pour lui, une tentative à laquelle il se livra dans ce dessein échoua. Il était parvenu à remettre plusieurs lettres à l’un de ses codétenus qui, n’étant pas au secret comme lui, recevait fréquemment au parloir de la prison les visites de sa femme. Par les soins de celle-ci, les lettres devaient être envoyées aux destinataires. Volontairement ou non, le mari et la femme, en se les passant, les laissèrent voir. On les prit dans leurs mains. Elles ne laissaient aucun doute sur les intentions et les espérances de Dominique Allier. Dans l’une, adressée à « sa chère cousine, » il demandait des vêtemens, racontait les péripéties de son arrestation et affirmait que ses compagnons et lui ne s’étaient rendus qu’afin de ne pas attirer un malheur sur la maison où ils avaient reçu asile. Dans une autre, il invitait ses amis du dehors à se réunir au nombre de cent, à marcher sur la commune de Pradelle et à s’emparer des notables jacobins qu’elle renfermait : « Vous les garderez comme otages sans leur faire de mal. Vous aurez ainsi de l’argent, en même temps que vous obligerez la petite garnison du Puy à secourir Pradelle. Vous l’entraînerez dans les bois aussi loin que vous pourrez et vous viendrez ensuite nous délivrer. »