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tiendraient garnison dans les capitales de chaque gouvernement auprès des vice-rois ; ce serait le complément pratique des projets qui tondent à décentraliser le contrôle international. Tous ces desseins se heurtent à de grands obstacles et peut-être une organisation symétrique n’est-elle pas nécessaire. Peut-être suffirait-il de choisir avec un certain discernement trois ou quatre points stratégiques sur lesquels on installerait quelques troupes et l’on élèverait, le cas échéant, des fortifications : c’est le but que vise, au demeurant, la noie française du mois d’octobre, lorsqu’elle propose d’occuper deux ou trois points sur la route de Tien-tsin à Pékin. Au surplus, ces détails d’exécution sont d’ordre politique ou militaire.

Les hommes d’État se sont demandé s’il convenait de faire un nouveau pas, c’est-à-dire de poursuivre la politique inaugurée depuis la guerre sino-japonaise et d’exiger, pour développer l’influence des puissances coalisées, une nouvelle série de cessions territoriales. Ils ont, en général, surtout dans notre pays, résolu négativement la question. Il me semble que les jurisconsultes doivent s’accorder sur ce point avec les politiques et je ne propose pas, pour mon compte, cette dérogation nouvelle au principe de non-intervention. C’est qu’il n’y a pas de lien logique entre le but à poursuivre : assurer la sécurité des étrangers, et le moyen indiqué : pousser à ses extrémités la politique des cessions à bail emphytéotique et des sphères d’influence. Pour justifier ce mode d’intervention extraordinaire, il faudrait établir qu’on n’a pas, malgré les apparences, d’autre ressource ; que la sûreté, la liberté des personnes, des biens, des transactions sont à ce prix. Or, la démonstration n’est pas faite. Il serait même plus aisé de faire la démonstration contraire[1].

Je ne veux pas éluder un autre problème plus embarrassant et plus complexe. Le droit exorbitant d’intervention qu’une série d’attentats au droit des gens attribue aux États civilisés peut-il aller jusqu’à la suppression de la dynastie mandchoue ? C’est là, qu’on le remarque, la plus grave atteinte qui puisse être portée à l’indépendance d’un peuple : on bouleverserait par la force et sans son assentiment une institution fondamentale.

S’il ne s’agit que d’obtenir la renonciation de l’héritier présomptif actuel, fils du prince Tuan, à ses droits éventuels et très

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1900 (article de M. Pierre-Leroy-Beaulieu).