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volontiers disposé à tenir compte des recommandations du gouvernement français dans le choix du personnel. » Ce n’est pas à la suite de la perturbation profonde apportée par tant d’excès et de désordres dans les relations de la vie civile et commerciale que la Chine pourra rétracter cet aveu d’impuissance.

Tout cela ne suffit pas encore. Les puissances civilisées savent désormais, à n’en pas douter, qu’il faut, en Chine, assurer par la force le respect du droit. Elles puisent dans une expérience si chèrement acquise la liberté d’organiser par des moyens matériels la défense de leurs nationaux sur le sol ensanglanté du Céleste-Empire. Ce sera la plus grave des restrictions apportées à l’indépendance de cet Empire, mais aussi la conséquence et l’expiation nécessaires de ses attentats contre le droit des gens.

Je pense enfin, avec M. Delcassé, que la protection des légations devrait être assurée par une force permanente. Un rédacteur du Temps, M. Marcel Monnier, avait déjà proposé d’établir à Pékin une légion européenne de huit à dix mille hommes, sorte de garde d’honneur uniquement chargée de veiller au salut des ministres européens. On a beaucoup plaisanté sur ce projet, mais je ne suis pas du côté des rieurs. Que veut-on faire ? Si l’on organise au siège du gouvernement une commission internationale permanente, permettra-t-on que ses avis soient accueillis par des rebuffades et ses conseils systématiquement méprisés ? Que cette commission soit ou ne soit pas constituée, se figure-t-on qu’il est possible de convertir les sociétés secrètes avec des homélies et d’amortir les haines féroces des mandarins, soit en modifiant le programme de leurs examens ridicules, soit même en suspendant pendant cinq ans ces examens dans certains districts ?

Le côté vulnérable de cette proposition est dans la faiblesse numérique de la légion. Pourra-t-on en détacher quelques régimens pour secourir les étrangers attaqués sur quelque autre point de cet immense territoire ? La garde d’honneur ainsi diminuée serait dès lors exposée, le cas échéant, à succomber sous le nombre des assaillans qui pourraient fondre sur elle. D’autre part, si l’on n’en peut distraire quelques centaines d’hommes, il faudra laisser tranquillement traquer, voler et massacrer nos nationaux aux extrémités de l’Empire. C’est pourquoi M. F. Mury, ancien commissaire de la marine, a proposé d’augmenter ce corps d’occupation et de le répartir en groupes plus ou moins nombreux, qui