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d’attente, soit pour les condamnés qui attendent l’exécution de leur sentence, soit pour les témoins. Leur saleté est répugnante ; ce sont, dit M. Bard, « de véritables enfers. » On n’y est pas nourri. Les gardiens extorquent aux prisonniers tout ce qu’ils peuvent donner d’argent et, s’ils n’en ont pas, les laissent mourir de faim.

Nous n’avons pas besoin de plus amples discours pour répondre aux hommes d’État qui, comme le marquis Tseng, oseraient demander l’abandon des « capitulations[1]. »

La réponse décisive, la plus humiliante et la plus complète que pût recevoir le Céleste-Empire, est d’ailleurs écrite dans le traité sino-japonais du 21 juillet 1896. Jusque-là, en vertu des traités, les consuls chinois au Japon, les consuls japonais en Chine jugeaient leurs nationaux respectifs. Il n’en est plus ainsi. Les résidens japonais en Chine sont aujourd’hui jugés par les autorités japonaises, s’ils sont défendeurs. En matière criminelle, les consuls japonais leur appliquent les lois japonaises. Les tribunaux chinois connaissent seulement des procès civils ou criminels dans lesquels des Chinois seraient défendeurs. Mais les Chinois résidant au Japon sont soumis à la juridiction japonaise[2]. Le Japon refuse, comme les États occidentaux, de traiter d’égal à égal avec le peuple chinois.

On s’entend généralement sur un autre point : la Chine est en dehors du droit international privé. Par la force des choses, elle ignore et doit ignorer l’ensemble des règles applicables à la solution des conflits qui peuvent naître entre deux souverainetés à l’occasion de leurs lois privées respectives.

Par exemple, à quoi bon rechercher quelle loi régira les formes, les conditions intrinsèques, les effets juridiques du mariage conclu par un Français en Chine, ou comment le droit de cité peut être acquis en Chine par un Français, alors que personne n’y peut acquérir la nationalité chinoise ou même y exercer non seulement les droits publics, mais encore les droits civils appartenant aux indigènes ? L’exclusion de l’élément étranger ne permet pas même de prévoir les conflits de lois relatifs à la personne envisagée en elle-même[3] ou relatifs à la personne envisagée dans

  1. Article précité de l’Asiatic Quarterly.
  2. Art. 3, 20, 21, 22 du traité de Shimonosaki.
  3. Actes de l’état civil, absence, incapacités juridiques résultant de l’âge, de l’imbécillité, de la démence, de la prodigalité.