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Incarnates et coniques,
Les figues que l’été fend
Et les fraises impudiques
Qui pointent en rougissant,

Auprès des corbeilles blondes
Et des vases pleins de lait,
Dans le creux des coupes rondes
A qui mon sein ressemblait.

Enfans du profond feuillage,
Près de vous que n’ai-je pu
Vivre la beauté de l’âge
D’un corps libre, heureux et nu !

De ma joueuse jeunesse
Songez aux chers jours passés…
J’étais peut-être faunesse
Par mes longs yeux retroussés.


IV


Aujourd’hui je suis triste. Ecoute, ô cher potier !
Je t’apporte le don de mon corps tout entier,
Si tu veux avec art, dans ta durable argile,
Peut-être, éterniser une forme fragile.
Dans une terre rose et semblable à ma chair,
Modèle le contour de mon bien le plus cher :
Mes petits seins égaux aux deux pointes aiguës.
Qu’il reste au moins cela des grâces ingénues
Que j’offre à ton désir, si de chaque côté
De l’amphore funèbre où toute ma beauté
Doit dormir, poudre éparse et cendre inerte et grise,
Au lieu de l’anse, creuse à la main qui l’a prise,
Tu renfles la rondeur de ce double contour
Presque enfantin et prêt à peine pour l’amour.
… Et celui qui, pensif, sous le sol séculaire,
Trouvera quelque jour mon urne funéraire,