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réalité des choses, ne répond à rien. Le vieillard dont on dit dans sa commune : « Il est au bureau de bienfaisance » n’est pas plus considéré que celui dont la détresse est secourue par telle ou telle personne charitable. S’il importe de maintenir à l’allocation accordée au vieillard ce caractère de secours, ce n’est pas cependant pour l’humilier gratuitement : c’est pour que sa fierté soit intéressée à ne pas demander ce secours, s’il peut s’en passer. Il n’est pas, quoi qu’on dise, avilissant de recevoir quelque chose de la charité publique ou privée, mais il est toujours plus agréable de n’avoir pas besoin d’y recourir.

La seconde précaution à observer serait que la commune fût toujours juge de l’allocation même du secours, le département n’y intervenant que pour venir en aide aux communes à qui leur situation financière ne permettrait pas d’allouer le minimum de secours fixé, et l’Etat n’étant également appelé à intervenir que dans le cas où le domicile de secours serait impossible à déterminer. Il n’y aurait guère lieu de craindre que les communes, dont le trop grand nombre de secours alloués obérerait la situation financière, se montrassent prodigues d’allocations non justifiées. Le contraire serait plutôt à prévoir et il y aurait lieu d’instituer, en cas de rejet d’une demande justifiée, une sorte de recours devant une juridiction moins directement intéressée à l’économie, et qui pourrait être une commission cantonale.

Enfin, il faudrait que la loi, dans son article premier en quelque sorte, consacrât, par une disposition formelle, le droit de recours des communes contre les familles. Il est inadmissible, en effet, que des enfans qui gagnent largement leur vie laissent leur vieux parens à la charge de la charité publique. Ce recours ne serait qu’une application des principes généraux du droit : la Société se substituant aux enfans dans l’exécution de l’obligation d’alimens que leur imposent les articles 205 et suivans du Code civil. La loi n’aurait qu’à poser explicitement le principe de ce quasi-contrat en déterminant la forme sous laquelle s’exercerait ce recours de la commune et la juridiction devant laquelle l’action serait portée, juridiction qui devrait être, suivant moi, celle, facilement accessible et en fait particulièrement compétente, du juge de paix. Il y aurait là une barrière sérieuse opposée à un abus qui pourrait devenir sérieux également. Reste une dernière objection dont je n’ai point parlé :