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protestent vivement contre les bruits inquiétans répandus par ceux de Londres. A mesure que le printemps s’avance, la situation se tend pourtant de nouveau ; au commencement de mai, la presse anglaise de Hong-kong et de Shanghaï fournit des renseignemens qu’on ne peut plus guère mettre en doute sur l’extrême gravité des événemens qui se préparent. Le correspondant indigène à Pékin du North China Herald, le plus important des journaux étrangers de Chine, s’exprime en ces termes. « Je vous écris très sérieusement et très sincèrement pour vous informer qu’il existe un grand plan tenu secret, ayant pour but d’écraser tous les étrangers résidant en Chine et de leur arracher les territoires qu’ils se sont fait donner à bail. Les chefs du mouvement sont l’impératrice douairière, le prince Tuan, le prince Ching et divers membres du Tsong-li-Yamen… » Suivait rémunération des troupes destinées à mettre le plan à exécution. « Tous les Chinois des classes supérieures savent cela, continuait la lettre, et ceux qui ont des étrangers parmi leurs amis les en ont avertis ; mais, autant que je sache, on a plutôt ri de leurs craintes qu’on ne les a remerciés. Les ministres ont réclamé auprès du Tsong-li-Yamen, mais, comme d’habitude, on leur a jeté de la poudre aux yeux. » « La situation à Pékin, écrivait-on aussi de Tien-tsin au Hong-Kong Telegraph, est bien plus grave que les étrangers ne le supposent généralement… Les Chinois amis des étrangers ne cessent de les prévenir que l’altitude actuelle du gouvernement n’est pas une plaisanterie et qu’elle présage un effort sérieux et déterminé des Mandchous pour se débarrasser des influences étrangères. Les Boxeurs deviennent de plus en plus audacieux à Pékin, où ils s’exercent à quelques pas des légations. L’impératrice et tous ses favoris les soutiennent, jugeant qu’ils peuvent rendre de grands services quand le mouvement commencera… Mais on ne prend pas garde à cela aux légations et l’on y rit de ceux qui prédisent des temps troublés… »

On paraît cependant n’avoir pas ri partout et, d’après ce qui a transpiré des réunions que les ministres avaient pris dans les derniers temps l’habitude de tenir pour échanger leurs vues, il semble qu’à la légation de France notamment, on ait mieux apprécié qu’ailleurs l’importance du mouvement boxeur. Renseigné par Mgr Favier et les autres missionnaires qui, après être restés longtemps optimistes, s’étaient rendu compte au mois d’avril de la gravité des troubles, M. Pichon ne put réussir à triompher de