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leurs succès ou de leurs échecs. Certains socialistes estiment qu’elle est inapplicable pour l’agriculture[1] : il n’y est fait par le rapporteur aucune allusion. Depuis le Congrès de Breslau, les Allemands ont, d’ailleurs, renoncé à traiter les questions agraires. Le Congrès de Londres en a reconnu la diversité, et l’impossibilité de les ramener à des formules uniformes. La grande majorité de la classe laborieuse, la population paysanne n’a pas un seul délégué à ce Congrès soi-disant ouvrier. — Enfin, il eût été très utile de savoir si les patrons socialistes qui se trouvaient au Congrès, mettent eux-mêmes en application la journée de huit heures. On nous dit que ce n’était pas le cas pour M. Singer, par exemple. On se souvient que M. Anseele, lui-même un ancien ouvrier, le directeur si capable et si compétent de la grande coopérative socialiste de Gand le Vooruit, fut poursuivi et condamné à une amende pour infraction aux lois protectrices du travail (octobre 1896). Au Congrès de Breslau, une plainte s’éleva sur le travail de nuit des typographes employés à la composition du journal officiel socialiste, le Vorwaerts. Liebknecht répondit que ce travail était imposé par la concurrence des journaux bourgeois : il faut bien que les socialistes subissent les nécessités de la mauvaise société où ils vivent, mais ils se flattent de la réformer, puis de la détruire, et de faire enfin de leurs promesses une réalité. Cela n’est peut-être pas aussi aisé qu’ils le pensent. La Commune, qui fut un essai de gouvernement, abolit, par un décret, le travail de nuit dans les boulangeries, mais elle fut obligée de le rétablir presque aussitôt, à la demande des intéressés eux-mêmes. Les concierges de Paris tenaient à leur pain mollet pour le déjeuner du matin, et l’on dut céder aux exigences de cette puissante et redoutable corporation.

Comme à tous les congrès précédens, il a été décidé que la démonstration du 1er mai, cette grande revue des forces ouvrières, groupées sous les plis du drapeau rouge, décrétée à Paris en 1889, aurait lieu comme par le passé. Mais elle laisse de plus en plus indifférent le monde des travailleurs.

La question d’un minimum de salaire, qui devait être discutée, ne l’a pas été non plus. Mais, contrairement à M. Wurm sur la journée de huit heures, le rapporteur M. Molkenbuhr considère

  1. Le Socialiste du 24 novembre 1894. — M. Kautsky pense que, dans la société bourgeoise, la journée de dix heures est soûle applicable à l’ensemble du monde ouvrier : Neue Zeit, XIXe année, n° 1.