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fallait que celui dont il empruntait ainsi le nom fût considéré comme capable de tout.

Ce ne fut pas de sa plume que la reine mère se servit pour écrire au roi, le 21 juillet 1631, d’Avesnes, première étape de son exil volontaire, la lettre[1] par laquelle elle annonçait et justifiait son départ clandestin de Compiègne. Chanleloube ne faisait certainement pas partie de la suite de quatre personnes qui avait accompagné la reine et, s’il avait eu à écrire cette lettre, il l’aurait écrite autrement. La gaucherie de la forme y laisse apparaître l’outrageux défi à la vérité et à la vraisemblance qui en fait le fond. C’est à lui, au contraire, que nous croyons pouvoir faire honneur de la réponse[2] de la reine à celle que sa première lettre avait inspirée au roi ou plutôt à Richelieu et qui, dans des termes d’une réserve froide et hautaine, rétablissait la vérité de la situation. La réponse de Marie de Médicis est un appel pathétique au cœur du roi, le cri d’une mère qui ne demande, pour dissiper les malentendus et remettre les choses à leur place, qu’à voler dans les bras de son fils, à se jeter aux pieds de son roi. On ne pourrait la lire sans émotion, si on n’y démêlait, ne fût-ce qu’au ressentiment qui y éclate, la rhétorique sentimentale de l’artificieuse et vindicative Florentine. On peut la trouver maladroite en ce qu’elle n’ouvre la voie à aucune transaction, en ce qu’elle annonce tout le contraire d’un désarmement, en ce qu’elle défère au parlement la connaissance des griefs et des revendications de la royale victime contre son persécuteur et menace le roi, si jaloux de son autorité, de la réprobation et de l’intervention de ses sœurs, la duchesse de Savoie, les reines d’Espagne et d’Angleterre et du Souverain Pontife. Mais était-ce au lendemain de sa fuite, au moment où elle spéculait sur les embarras que son séjour et celui de Gaston chez les ennemis de la France semblaient devoir donner à Richelieu, que la reine mère pouvait penser à des concessions ; et, avant de songer à rien céder, ne fallait-il pas essayer de tout obtenir d’un mouvement du cœur, des scrupules de la conscience, de la lassitude causée par un ministre qui coûtait le sacrifice d’une mère ?

Le cœur de Louis XIII, quoi qu’on ait dit de son insensibilité, pouvait comprendre le langage chaleureux, presque éloquent, que

  1. Mercure français, t. XVII, 343, année 1631.
  2. Cousin, Mme de Hautefort : Appendice, note 3, p. 337. — Henrard, Marie de Médicis dans les Pays-Bas. — Le Vassor, III, 684 (avec quelques altérations).