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les deux, au cours de la campagne électorale, ont atténué ce qu’il y aurait d’excessif dans leur principe, s’il était poussé jusqu’à ses dernières conséquences. Ils ont seulement indiqué les raisons auxquelles ils obéissaient ; et ils se sont fait réciproquement des procès de tendance, en prédisant l’un de l’autre qu’il serait entraîné jusqu’au bout de son système. Et c’est contre quoi ils protestaient également, le parti démocrate affirmant qu’il ne renoncerait à aucune des conquêtes faites, mais qu’il n’en ferait pas de nouvelles ; et le parti républicain déclarant de son côté qu’il avait fait pour le moment tout le nécessaire, et qu’il n’irait pas plus loin. A prendre leurs déclarations au pied de la lettre, on aurait pu croire que, dans la pratique, ils auraient fait désormais, ou peu s’en faut, la même chose, et qu’il y aurait dès lors peu d’intérêt à ce que ce fût celui-ci ou celui-là qui obtînt la victoire. Néanmoins l’élément le plus entreprenant, le plus actif, et aussi le plus aventureux, soutenait M. Mac Kinley, tandis que l’élément plus modéré, plus réservé et, si l’on veut, plus timide, favorisait M. Bryan. M. Mac Kinley s’en est rendu compte : il a senti le besoin de rassurer ceux qui pouvaient redouter les écarts de sa politique, et qui les dénonçaient déjà en Extrême-Orient. Les démocrates ne manquaient pas de dire qu’à la suite des nations européennes qui avaient de grands intérêts en Chine, il allait y engager, — et jusqu’où ? — les États-Unis qui n’en avaient pas. Le gouffre asiatique était béant devant lui : il allait s’y précipiter ! M. Mac Kinley n’a rien négligé pour échapper à ce reproche qu’on lui adressait par anticipation, et, pendant toute la campagne électorale, il a poussé si loin la prudence et la réserve que ses adversaires eux-mêmes, s’ils avaient été au pouvoir, n’auraient pas pu faire plus, ou plutôt faire moins. Il a témoigné à la Chine une confiance qui, après ce qui s’était passé, a pu sembler plus d’une fois paradoxale, et adopté une attitude qui ressemblait beaucoup à l’abstention. Que fera-t-il maintenant qu’il est libre ? On le verra bien. Nous n’avons d’ailleurs aucun motif de croire qu’il ne restera pas fidèle, le lendemain de la victoire, aux moyens qui la lui ont assurée. Si l’impérialisme américain avait aujourd’hui encore toute sa fougue des premiers jours, M. Mac Kinley n’aurait pas eu à prendre tant de précautions pour n’inquiéter personne : il faut donc croire qu’il est plutôt en décroissance.

Le succès de M. Mac Kinley a produit partout, en Europe, une heureuse impression. Le président de notre République s’est empressé de télégraphier à son collègue des félicitations qui étaient aussi sincères que cordiales. Toute la presse, en France, a manifesté sa