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addition qui diminuerait la valeur de cette affirmation, passe à l’ordre du jour. » Pourquoi la seconde partie de la phrase ? N’était-il pas plus simple de repousser les adjonctions qui pourraient être proposées ? Sans doute, mais si on allait les voter ! Ulysse se faisait attacher pour résister à la voix des sirènes, et cela est prudent, lorsqu’on n’est pas sûr de soi. L’ordre du jour du 8 novembre n’en restera pas moins un monument parlementaire des plus curieux. On s’est séparé après onze heures du soir, n’en pouvant plus.

Le ministère était sauvé, bien pauvrement si l’on veut, mais enfin il était sauvé. Il se retrouvait debout et remis dans la droite ligne un peu à la manière du Persan de Montesquieu, qui se plaignait si ingénument des embarras de Paris. « Un homme, disait-il, qui vient après moi et qui me passe me fait faire un demi-tour ; et un autre qui me croise de l’autre côté me remet soudain où le premier m’avait pris ; et je n’ai pas fait cent pas, que je suis plus brisé que si j’avais fait dix lieues. » N’est-ce pas le sort du ministère ? Applaudi, heurté, renversé, piétiné, relevé, redressé, laissé enfin dans l’état où on peut être après tant de secousses en sens contraires, il est permis de le croire malade. Mais la Chambre, hélas ! l’est encore plus que lui. On se demande avec inquiétude comment une assemblée aussi divisée, aussi hésitante dans sa volonté, aussi défaillante dans son caractère, et pourvue d’ailleurs d’aussi hautes prétentions, pourrait mener à bien une œuvre quelconque. Pour aboutir à quelque chose, à si peu que ce soit, elle devrait commencer par mettre de l’ordre dans ses travaux : en est-elle capable ? Que deviendront les grandes réformes dont elle a tant parlé, et que la plupart de ses membres avaient promises aux élections dernières ? Dans cette disette, M. le président du Conseil l’invite à manger du moine, et certes cette perspective lui plaît et la tente. Mais qu’en pensera-t-on au dehors ? Il est bon que l’électeur comprenne ce qu’il y a de décevant et d’illusoire dans cette politique. Chambre et gouvernement sont frappés d’une égale impuissance. Peut-être n’ont-ils pas de reproches à se faire mutuellement : mais le pays est là qui regarde, qui attend, qui s’impatiente, et qui aura bientôt une responsabilité à prendre à son tour. Des spectacles comme ceux que lui donne la Chambre, des œuvres aussi vides et aussi vaines que celles dont le gouvernement le leurre, l’agitation continuelle des grèves, le trouble dans les esprits et le défaut de sécurité dans les intérêts, il y a là matière à préparer et à éclairer son jugement.

A l’extérieur, l’événement le plus important de la quinzaine a été la réélection de M. Mac Kinley à la présidence des États-Unis, ainsi