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Ces exemples, toute discussion plus approfondie et plus détaillée étant réservée, prouvent qu’il ne suffit pas de copier fidèlement des chiffres officiels pour montrer la marche exacte des finances du pays ; il faudrait d’abord que les chiffres officiels fussent exacts eux-mêmes, ce qui n’est pas toujours, car on ne doit pas confondre l’exactitude morale et l’exactitude matérielle ; il faudrait ensuite que les cadres dans lesquels les chiffres sont disposés fussent identiques. Cette seconde condition n’est rien de moins que la quadrature du cercle. A la lettre, elle est irréalisable, tant les budgets ont subi de métamorphoses dans les détails de leur contexture depuis un siècle, et même depuis dix ans. Quelque chose de certain, de positif, de clair, reste pourtant ; une commune et constante mesure, que les transformations de comptabilités et les changemens d’affectations budgétaires les plus considérables ne sauraient altérer dans sa rigoureuse vérité : c’est le total des sommes prélevées sur l’ensemble des contribuables. Pour un motif, pour un autre, sous une forme, sous une autre : qu’importe ? Le résultat ne change pas. La France produit tant par an, par son agriculture, par son industrie, par son commerce, par son travail de toute sorte ; sur ce produit, l’Etat prélève tant. Tout est là. Malheureusement, sur ce point, on verra que l’équivoque est impossible. La progression du prélèvement est effrayante. Le monstrueux tribut du Minotaure était constant et sa durée limitée : sept jeunes filles, sept jeunes garçons, chaque année, pendant neuf ans ; les Athéniens, dans leur infortune, savaient à quoi s’en tenir. Les Français du XIXe siècle sont moins éclairés sur leur propre sort. L’appétit et les exigences de la formidable Bête qui menace d’étouffer la personne humaine vont croissant d’année en année avec une rapidité prodigieuse, sans limite à prévoir, et nul fils d’Egée ne viendra nous affranchir, si nous ne savons nous délivrer nous-mêmes.


I.
DE 1801 A 1815

Le premier budget du XIXe siècle est celui de l’an IX, du 23 septembre 1800 au 22 septembre 1801. D’après les chiffres des Comptes généraux de l’administration des finances, et en y ajoutant les frais de régie, les non-valeurs, restitutions,