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successivement, à quelques jours seulement de distance, deux protocoles, dont l’un excluait de toute candidature tous les princes appartenant aux familles régnant en Angleterre, en France, en Autriche, en Prusse et en Russie, et le second écartait enfin nominalement le duc de Leuchtenberg. La facilité et la promptitude avec lesquelles cette double décision fut prise rendent plus difficile à comprendre et à excuser la mauvaise grâce et le sot calcul qui les avaient retardés si longtemps[1].

Entre temps, arrivés à Paris, les délégués du Congrès belge ne tardèrent pas à reconnaître que l’accomplissement de leur mandat rencontrerait plus de résistance qu’ils ne s’y attendaient. Non pas qu’ils eussent à se plaindre de l’accueil qui leur était fait. On les recevait comme de vrais ambassadeurs. Le roi, les princes, la cour, les comblaient de politesses. Ils étaient logés dans un hôtel appartenant à la famille royale, où tous les gens de service portant sa livrée étaient mis à leurs ordres. Seulement on leur fit attendre pendant plus d’une semaine l’audience officielle qu’ils demandaient. Ce retard était inquiétant, mais ces jours ne furent pas perdus. La députation était composée d’hommes d’élite, en relation naturelle avec la partie la plus saine et la plus éclairée du monde politique français. M. de Mérode appartenait par ses relations de famille à la plus haute société. M. Surlet de Chokier, fonctionnaire important et membre du Corps législatif sous l’Empire, retrouvait d’anciens collègues dont les entretiens le mettaient au courant du véritable étal des esprits. Le public français leur apparut alors sous un aspect tout autre que ne le leur avaient représenté une presse ardente et des émissaires passionnés. En réalité, ils durent se convaincre que la solution qu’ils apportaient ne tentait et ne satisfaisait personne. L’annexion pure et simple de la Belgique aurait eu un éclat dont la grandeur séduisait les imaginations. Mais l’idée de courir une chance périlleuse à la suite d’un prince à peine sorti de l’enfance ne pouvait plaire qu’aux sectaires qui comptaient sur sa jeunesse et son inexpérience pour en faire un instrument docile. Les députés eux-mêmes, une fois sortis de l’atmosphère échauffée et fébrile d’un parlement et d’une

  1. Protocoles de la Conférence, 1er et 7 février 1831. Le premier de ces deux actes porte la date du 1er février, antérieure de trois jours à l’élection du Duc de Nemours, qui, à ce moment, n’était plus douteuse. M. de Talleyrand refusa de le signer, non qu’il ne continuât à assurer que l’élection serait refusée, mais pour ne pas donner à ce refus le caractère de l’obéissance à une sommation et lui laisser le mérite de la spontanéité.