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pas à se soumettre par avance à toutes les décisions qu’elle pourrait leur signifier.

Encouragés par les ménagemens qu’on leur témoignait, ils élevaient maintenant la voix, et plus d’un orateur, dans le débat du Congrès qui suivit la communication du protocole d’indépendance, fit entendre assez nettement que le futur royaume de Belgique ne consentirait pas à être considéré, ainsi que l’ancien royaume des Pays-Bas, comme une œuvre diplomatique sur laquelle les puissances qui l’auraient constituée exerceraient une surveillance constante, et conserveraient un haut domaine de souveraineté.

C’est dans cet esprit que fut rédigée la réponse du gouvernement provisoire belge à l’offre qui lui était faite d’envoyer des négociateurs pour traiter des points restés en litige. Une note verbale du 3 janvier fit savoir que les députés déjà présens à Londres avaient les pouvoirs suffisans pour traiter de toutes matières concernant la Belgique, mais déclara en même temps que, dans les circonstances, il paraissait impossible que la Belgique pût constituer un État indépendant sans la garantie complète de la liberté de l’Escaut, la possession de toute la rive gauche de ce fleuve, ainsi que du Limbourg tout entier et du grand-duché du Luxembourg, sauf, voulait-on bien ajouter par une réserve qui n’avait guère de sens, ses relations avec la Confédération germanique. Ce ton un peu hautain trahissait une confiance inspirée par les succès déjà obtenus, et plus encore, peut-être, par les excitations de la presse et du parti libéral français, que combattait mollement le débile ministère Laffitte. Les Belges se croyaient sûrs, quelles que fussent leurs prétentions, d’avoir à Paris des amis prêts à les soutenir. Dans ces conditions, le recours de la force ne les effrayait plus : une guerre où la petite troupe belge ne figurerait que comme avant-garde, le gros effort étant soutenu par l’armée française et appuyé par la sympathie de tout le parti révolutionnaire d’Europe, se présentait sous un aspect qui n’avait rien de trop inquiétant. Il fallait donc s’attendre que désormais les vues pacifiques des négociateurs de Londres rencontreraient plus d’obstacle dans l’humeur impatiente et intolérante du Congrès belge que dans les répugnances découragées et déconcertées de la majorité de la Conférence.

Si cependant les plénipotentiaires anglais et français, qui venaient de compromettre cette petite assemblée à leur suite, et