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l’Administration ait dû leur mettre une plaque au flanc, avec ces mots inscrits autour : avertisseur d’incendie ? Il serait puéril, on le pense bien, de reprocher aux plaques d’incendies d’altérer le caractère orthodoxe des vieilles divinités indoues. Mais cet avertisseur n’en décore pas moins bizarrement les idoles du vieux Java, et ne s’en mêle pas moins, si peu que ce soit, à nos impressions javanaises. Ce n’est qu’une note imperceptible, mais c’est déjà pourtant une note.

Entrons, et regardons, en entrant, sur le mur d’exhaussement d’une première terrasse, un bas-relief où l’on retrouve la vie de Bouddha… Ce bas-relief a-t-il bien réellement existé comme il est là ? Ce n’est qu’une question que nous nous posons, mais nous ne pouvons pas ne pas nous la poser… Passons, traversons la première terrasse, franchissons la seconde, montons un dernier escalier… Nous voici dans le temple même, dans une petite salle de pierre blanche, et vraiment beaucoup trop blanche. C’est, paraît-il, le temple de Djandi-Sari, et tous les moulages, me dit-on, ont été pris à Java. On est même allé, pour nous mieux montrer le vieux monument, jusqu’à le rétablir, non pas comme il est, mais comme il devrait être, car les Chinois, malheureusement, l’ont détruit depuis fort longtemps. On a donc reconstitué les soubassemens disparus, recherché les détails d’ornementation dans des fouilles savantes, et composé ainsi un Djandi-Sari parfait, irréprochable, un Djandi-Sari auquel pas une ligne ne manque, plus complet qu’il ne Ta jamais été, un Djandi-Sari tout neuf ! Tout cela est fort consciencieux, et témoigne d’un ardent zèle industriel pour l’antiquité javanaise. Mais quel Java, en fin de compte, arrive-t-on ainsi à nous reconstituer ? Le Java actuel ? Non, puisqu’il est en ruines. Le Java antique ?… Nous en douterons, et il ne me semble pas le sentir dans cet édifice tout blanc, tout frais et tout neuf, sur lequel veillent les pompiers. On y prend instinctivement garde aux plâtres. On pourrait presque s’y croire dans la salle d’un nouveau four crématoire à la veille d’être inauguré… Est-ce bien là vraiment le vieux Java ?


III

Le pavillon des Indes Anglaises ressemble assez exactement à une sorte de Louvre ou de Bon Marché de Tyr ou de Bagdad. Je