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avancées. La lutte sera vive entre celles-ci ; les États-Unis paraissent devoir y prendre un rang, que certains symptômes font déjà pressentir. Dans un article intitulé : « L’ouverture de la Russie aux entreprises anglo-saxonnes en Asie, » M. A. H. Ford[1] expose avec complaisance les relations qui se sont établies entre les constructeurs du Transsibérien et les métallurgistes américains ; le prince Khilkow, ministre des voies et communications à Saint-Pétersbourg, a fait son éducation sur les locomotives yankees et s’est adressé à ses voisins de l’autre côté du Pacifique pour de nombreuses commandes de rails et de matériel. C’est par quatre points à la fois, Tientsin, Port-Arthur, Newchang, Vladivostock, que les Russes importent le fer dont ils ont besoin pour achever leur gigantesque réseau. Non contens de s’approvisionner en Europe et aux États-Unis, ils se sont adressés au Japon, dont on connaît le développement industriel, et qui, ouvert maintenant par les traités de commerce qu’il a conclus avec les grandes nations civilisées, va augmenter encore le nombre de ses usines et sa capacité de production, si toutefois la crise financière dont il est menacé n’arrête pas son essor.

Des perspectives grandioses s’ouvrent à l’industrie : l’Asie est à la fois le plus vaste et le plus peuplé des continens ; son outillage occupera des générations. En même temps, le travail que l’Angleterre, la France, l’Allemagne ont commencé en Afrique ne s’interrompra pas. Là aussi une guerre, que nous n’avons pas à juger ici, mais qui n’a aucun rapport avec celle que nous menons en ce moment contre la Chine, sera sans doute suivie d’un redoublement d’activité industrielle. Certains pays de l’Amérique du Sud et l’Australasie, prendront part à ce mouvement, qui va se prolonger des dernières années du XIXe siècle aux premières du XXe. La vieille Europe a de beaux jours devant elle pour ses capitaux et pour ses hommes d’action, ingénieurs, négocians et financiers. Mais elle s’apercevra de plus en plus qu’elle doit compter avec des forces nouvelles : parmi celles-ci, la plus considérable est représentée par les États-Unis d’Amérique. Nous avons montré, dans le seul domaine du fer et du charbon, quelle place ils prenaient ; ils fournissent au monde presque la moitié de son acier, les trois cinquièmes de son cuivre, le tiers de son argent, le quart de son or. Le marché des métaux, comme celui de la houille, comme

  1. The Engineering Magazine, juin 1900.