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traversent des avenues bordées de bananiers. Au centre, sur un large plateau découvert, se groupent l’habitation en joncs et en planches des deux agens blancs, le poste des soldats de la station, avec le mât de pavillon surmonté du drapeau de l’État, les magasins, les cases des travailleurs. Ceux-ci sont recrutés dans les nombreux villages d’alentour, et leurs contrats sont régulièrement enregistrés à Borna. C’est le premier exemple d’une exploitation entreprise par des particuliers. Jusqu’à présent, le gouvernement de l’Etat indépendant, désireux de favoriser le développement de l’agriculture, prêtait et dirigeait ses propres agens pour mettre en valeur les terrains concédés. C’est lui qui recrutait les travailleurs et faisait les essais de culture dont le peu de connaissance de la région rendait les tâtonnemens difficiles. Ainsi à Temvo, une station que j’allai visiter au retour, l’Etat fit une première tentative de plantations de café. La culture en ayant médiocrement réussi, on passa au cacao, qui annonce de beaux résultats. Mais l’introduction de cet arbuste a été particulièrement difficile, parce que sa graine, très délicate, ne supporte pas un long voyage. On tenta de faire venir les premières semences de l’île portugaise de San Thomé, proche du Congo, mais les planteurs, craignant la concurrence, firent la sourde oreille. Il fallut se contenter de quelques plants retrouvés par hasard à Léopoldville, où Stanley les avait semés. Ils s’étaient développés et donnaient des graines ; celles-ci ont été répandues peu à peu dans le Haut et dans le Bas-Congo, et c’est ainsi que Temvo, créé depuis plusieurs années, peut fournir à Urselia ses premières semences. Mises en pépinières et plantées ensuite dans des sous-bois débroussés, à des distances d’environ 4 mètres l’une de l’autre, elles prospèrent et permettront à leur tour d’autres plantations. Il en est à peu près de même du caoutchouc, mais l’introduction de la plante américaine l’Hevea brasiliensis étant très récente, nulle part encore il n’y a eu de récolte. Tout porte à croire pourtant que, dans une dizaine d’années, le rapport du caoutchouc cultivé égalera le rendement déjà si brillant des caoutchoucs sauvages.

Pour donner une idée des perspectives ouvertes aujourd’hui à l’agriculture dans cette province du Mayumbé, il suffit de dire qu’avant cinq ans, le chemin de fer la traversera, supprimant les transports coûteux par caravanes, et une plantation aujourd’hui à ses débuts peut se trouver alors en plein rendement. Cinq cent mille pieds de cacao, qui ont été aisément plantés en une année,