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céramique. Si M. Kornhas a imaginé de faire une fontaine de faïence et de grès à reflets métalliques, ce n’est pas un dauphin, comme l’eût exigé une fontaine de Berain ou de Bouchardon, qui projette l’eau : c’est un paon. Sur un flacon à reflets métalliques où M. D. Massier a déployé les plus prodigieuses ressources de ses irisations, c’est une plume de paon qu’on croit voir. Et, enfin, c’est si bien la synthèse des recherches de l’art décoratif que M. Grasset fait d’un paon la couverture de sa collection de planches : l’Animal dans la décoration.

Après le dauphin païen, choisi pour ce qu’on lui attribuait d’humanité, la colombe chrétienne, symbole de « divinité, » après le cygne légendaire de la Germanie et de la Restauration, symbole parfait de la pureté de la ligne et de la « probité de l’Art, » nous voyons triompher l’oiseau qui ne sait rien dire, qui n’a pour lui, comme l’art impressionniste, que son éclat, et qui est, lui-même, une palette vivante des plus riches couleurs.

Comme nous avons constaté l’échec dans le renouvellement des formes, nous constatons donc le succès dans le renouveau des couleurs. La question que nous nous sommes posée : « Avons-nous un style moderne ? » trouve ainsi sa réponse dans la simple définition du mot « style. » Si un renouveau dans la couleur de l’art appliqué, de la « décoration plane » suffit à constituer un style, nous serions bien près d’avoir un style moderne. Mais cette définition admettrait qu’on pût changer de style sans changer l’architecture ni la plus grande partie du mobilier, en un mot, tout ce qu’on pourrait appeler la « décoration cube. » Si, au contraire, cette décoration cube, ou décoration en relief, reçoit et révèle la marque de ce qu’on peut proprement appeler un style, alors nous n’avons pas de style moderne, parce que nous n’avons pas de style du tout.


III

Pourquoi n’avons-nous pas trouvé un style ? C’est peut-être d’abord que nous l’avons trop cherché ; et c’est surtout parce que nous l’avons cherché avec trop d’individualisme. Le style est la marque d’un temps, non d’un homme. Il est le contraire en art de ce qu’il est en littérature. Au lieu qu’on puisse dire ici : le style est de l’homme même, on doit reconnaître qu’il n’y a un style Louis XIV, un style Louis XV, un style Louis XVI, que si l’homme