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attrapé un pot, l’autre un coffre, une troisième se rue sur une cassette, qu’elle s’occupe de fermer à clef avant le départ. Une quatrième grimpe sur une amphore pour en vérifier le contenu. Celle-ci se charge de la table, celle-là du fauteuil. Cette dernière se saisit d’un flambeau plus grand qu’elle, en sorte qu’on croit voir au naturel les gens qui servaient à table Gargantua et lui apportaient ses plats grands comme la tonne de Cisteaux le jour où, par mégarde, il avala sept pèlerins en qualité de laitues.

Quittons les formes généralement belles, mais anciennement connues et passons à celles qui affichent un éclatant cachet de modernité. Descendons par exemple l’escalier de l’Exposition allemande aux Invalides. Il semble que nous allons faire une exploration sous-marine. La lumière diffuse et bleuâtre qui tombe sous prétexte de vitraux ; les monstres de cuivre qui se promènent à terre sous prétexte de boîtes à charbon ; les algues qui fourmillent, montant sur les tapisseries ; les longues bandes souples, torses et retorses, qui errent dans l’espace assombri et parmi les plantes de pierres comme des tentacules ; tout fait penser qu’on est parmi les poulpes des méduses, des physalies et des oxystomes. Autour des vases d’argent de M. Michelsen, on voit des morues. Sur ceux en faïence de Mettlach, croissent des algues sans nombre. Au haut des porcelaines de Pillivuyt, s’accotent des poulpes. Au fond des plats de faïence de Rosenburg, dorment des crabes. Sur les flancs des vases de Meissen, dansent des Néréides. Les boucles de M. Vever, dessinées par Grasset, se font avec des esturgeons. Dans l’exposition de verreries de M. Gallé, toute une partie de la vitrine, celle qui se trouve du côté du couchant, est remplie de verres aux formes ou aux décorations sous-marines, et elle est intitulée l’Ame de l’eau. Là, un vase a la forme d’un galet épais et opaque ; un autre a pour titre les Algues, qui apparaissent prises dans le verre ; sur un troisième, sont incrustés de ces coquillages où l’on met l’oreille pour entendre les bruits de l’Océan, et çà et là les devises : « La mer est ton miroir, tu contemples ton âme » de Baudelaire et : « Homme libre, toujours tu chériras la mer. » Plus loin une danse de jeunes têtards. Un autre vase représente les Nénuphars, nés dans l’ombre, passant dans une région de lumière douteuse, puis enfin, comme ils approchent du col, s’étalant et fleurissant en plein jour avec la devise : « Nous monterons enfin vers la lumière. » Enfin partout s’installe et triomphe l’hippocampe. Vous le