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présente aux étudians constitue, à lui seul, une philosophie. On considère d’abord la matière première de l’Univers, l’atome et la molécule. Puis, continuant l’histoire de la vie, on suit la formation et la combinaison des cellules et l’on s’élève du simple au composé, des existences inorganiques aux êtres organisés, et du degré le plus obscur de la conscience à la plénitude de l’intellectualité. Ces études convergentes aboutissent à l’homme dont la relation avec le reste de la Nature se trouve, en quelque sorte, définie d’avance. Et toutes les sciences, y compris l’histoire et l’observation psychologique, ne sont que les avenues qui acheminent l’étudiant vers la science des sciences, vers la sociologie.

C’est le 22 juin dernier que j’ai visité Ruskin Hall. Le warden M. Dennis Hird, un gradué de l’Université, était absent, et c’est le sub-warden, M. Wilson, qui a bien voulu me faire les honneurs de la maison. M. Wilson est céramiste de son état. C’est donc un ouvrier d’art et, en effet, il a le regard vif et rêveur de l’artiste. Ses manières sont des plus agréables ; il trouve sans effort l’expression claire, gaie, pittoresque, et je n’ai été nullement surpris d’apprendre que sa parole avait de l’action sur de vastes meetings populaires.

La maison des étudians ouvriers est située aux confins de la ville universitaire. Elle a été longtemps habitée par Thomas Green, qui figure dans le chef-d’œuvre de Mrs Humphry Ward sous le nom du professeur Gray. C’est là qu’on trouvera l’homme et sa demeure décrits de main de maître. L’intérieur est peu changé ; le jardin, moins encore. Il est tel qu’aux jours, déjà lointains, où Ruskin, — alors professeur à l’Université, — y venait deviser avec le maître du logis. O le délicieux jardin, plein de belles fleurs et de gazons à l’herbe fine, drue et foncée ! De grands murs, tapissés de végétation, l’entourent, bornent le regard, enferment admirablement le penseur dans sa pensée. On n’y voit rien au-delà, on n’y est vu de personne. Rien qu’un horizon confus de tours, d’arbres, de clochers et, au-dessus, le ciel bleu pâle, où courent de petits nuages blancs.

Près de la maison, deux longues tables de bois blanc, soigneusement frottées, où les étudians, au nombre d’une vingtaine, prennent leurs repas en été : « Nous avions d’abord des nappes ; nous y avons renoncé par propreté, me dit M. Wilson. Mieux vaut une table lavée tous les jours qu’une nappe changée toutes les semaines. Mais l’esthétique ne perd pas ses droits. » Et il