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l’University Extension à se vanter d’avoir doté Londres de l’Université enseignante qu’attend depuis si longtemps la plus grande ville du monde ? Je ne le crois pas, et il n’est point, à mon avis, de prétention plus dangereuse, ni d’erreur plus grave. Il ne suffit pas, qu’on le sache bien, d’asseoir dans des chaires des hommes intelligens et de leur faire professer, devant des auditeurs de bonne volonté, des matières de haut enseignement, pour être en droit de dire qu’on a créé une Université. Non, une Université véritable ne se contente pas de transmettre la science d’hier et d’aujourd’hui : elle fait la science de demain. C’est un lieu clos et abrité où un groupe d’hommes, animés des mêmes pensées et des mêmes aspirations, se livre en commun à la recherche de la vérité, que cette vérité soit philosophique, historique, ou scientifique. L’ouvrier est-il mûr pour prendre part à ce genre de travail ? Évidemment non ; de longtemps, de très longtemps, il ne sera en état de s’y joindre. Le mot d’ « Université populaire » est donc décevant, qu’on l’applique à l’University extension ou aux University settlements.

J’espère expliquer tout à l’heure, ce que vient faire le terme « Université » dans cette association de mots. Ce qu’il importe de remarquer, c’est que les settlements ont pris un rôle très important dans cette extension de l’enseignement supérieur à la petite bourgeoisie et aux ouvriers. Les deux mouvemens s’aident sans se confondre, sans s’absorber l’un l’autre. Très souvent les settlements fournissent le local quand ils ne fournissent pas les professeurs et les élèves. L’expérience déjà acquise par les « résidens » des besoins intellectuels et moraux du peuple leur permet de discerner quels sujets d’étude conviendront le mieux à cette catégorie spéciale d’étudians. Un ou deux exemples rendront plus claire ma pensée. Le conférencier qui venait entretenir les petits boutiquiers, les commis et les ouvriers du quartier Saint-Pancrace (c’est le nom de la paroisse où est situé Passmore Edwards) de Dante et de sa Divina Commedia, n’était peut-être pas parfaitement inspiré. En revanche, rien n’était plus pratique que la suggestion de M. John Morley lorsqu’il conseillait aux résidens du même settlement d’instituer un cours pour apprendre à bien lire les journaux. L’idée a été mise à profit. Un professeur, après avoir lu un article ou une correspondance du Times, se livre à un commentaire minutieux qui éclaircit les allusions historiques, explique les noms d’hommes et de lieux, les batailles